Nova Hierosolyma Sion


La Jérusalem céleste

La position de la communauté de Qumrân procède, on le sait, d’une sévère cri­tique portée contre le Temple existant alors à Jérusalem, c’est-à-dire le second Temple édifié par Zorobabel (en 515 av. J.C.). Au jugement condamnant sans espoir ce Temple et son sacerdoce s’oppose la vision du Temple céleste dont la communauté est elle-même, dans sa structure, le symbole et l’anticipation. Les idées, les images et les expressions théologiques que l’on trouve dans le livre d’Ézékiel, sont employées par les Esséniens de Qumrân pour formuler et présenter leur théologie du Temple. Comme déjà nous l’apprend le document connu sous le nom de « document de Damas » c’est à cause de la trahison de ceux qui l’ont abandonné, que Dieu a détourné sa face d’Israël et de son Temple, et les a livrés à l’ennemi. Ézékiel disait : « À cause des infidélités de la maison d’Israël envers moi. Aussi je leur ai caché ma face » Dans trois textes de la Genèse, Jérusalem est présentée de telle manière que son triple sens coïncide avec les caractéristiques de chacun des trois patriarches. Comme si leurs auteurs voulaient nous signifier les trois valeurs fondamentales, particulières et universelles, terrestres et célestes, de celle ville dont David fit la capitale de son royaume et le centre spirituel du monothéisme.

Donc, en se détournant du temple réel voué à l’exécration la mission messianique de Jérusalem se fait jour.

Melkitsedech

Le premier nom de la Ville sainte n’était pas Jérusalem. Ce nom et les interprétations lui vinrent plus tard, au temps de David et des prophètes. La Genèse cite le nom de son prêtre, au temps d’Abraham : Melchisédech. Après la guerre des quatre rois contre les cinq rois,

« MaLKi-TSeDeQ, roi de CHaLeM, apporta du pain et du vin ; il était prêtre de « ‘EL « eLYoN » (Dieu Très-Haut).

Il bénit ‘ABRaM et dit :

  1. Béni soit ‘ABRAaM pour ‘EL « eLYoN, créateur du ciel et de la terre.
  2. Béni soit ‘EL-« ELYoN qui a livré tes adversaires entre tes mains.
  3. ABRaM lui donna la dîme de tout » (Genèse XIV 18-20).

Le premier nom de Jérusalem était donc CHALEM (SALEM) ; c’était le nom du dieu local SALEM ; la ville avait pour prêtre, au XVIIIe siècle avant l’ère courante, le roi MaLKi-TSeDeQ, dont le nom recouvre les idées de souveraineté (MaLKi) et de justice (TSeDeQ).

Quand Abraham le rencontra, MaLKi-TSeDeQ était le prêtre de ‘EL-« ELYON (Dieu Très-Haut) qui était adoré à Jérusalem avant la conquête de David. Il faut souligner ici l’aspect paradoxal de cette rencontre. Le patriarche était le seul élu de YHWH et seul aussi il avait recueilli ses promesses au sein des peuples cananéens qui occupaient la Terre promise. Il a reçu cependant la bénédiction du prêtre cananéen de Salem, MaLKi-TSéDeQ, et lui a donné en retour la dîme de tout ! Bien plus, le psaume 110, qui était récité au couronnement des rois d’Israël, rappelait au nouveau monarque que : « YHWH l’a juré et il ne s’en repentira pas : Tu es prêtre pour toujours, à la manière de MaLKi-TSeDeQ ». (Verset 4).

Le prêtre-roi de Salem a donc longtemps servi de modèle aux souverains d’Israël. Le psaume 76 prétend même qu’il en était l’ancêtre :

  1. « En Judah YHWH s’est fait connaître? Son nom est grand en Israël.
  2. Sa tente s’est fixée à Salem
  3. Et sa demeure à Sion ».
  4. (Versets 2-3).

Le premier sens de Jérusalem est donc lié à Abraham et à l’héri­tage de la prêtrise qu’il reçut des peuples cananéens. Ceux-ci étaient représentés par MaLKi-TSéDeQ. Celui-ci a béni Abraham et reconnu que la postérité du patriarche devait désormais porter la bénédiction divine pour le monde et pour l’humanité. Il ne suffit pas, en effet, que Dieu choisisse Abraham au sein des païens et l’appelle à sa fonction messianique pour que celle-ci s’accomplisse sans difficulté. Il faut encore que les nations reconnaissent Abraham et le justifient dans sa fonction de père des croyants monothéistes. C’est alors que la ville de Salem peut être aussi transférée de sa dépendance cana­néenne à son statut de capitale monothéiste. Ce premier sens de la ville a été réalisé et les descendants d’Abraham, Juifs, Chrétiens et Musulmans reconnaissent aujourd’hui dans Jérusalem, leur centre religieux et leur capitale spirituelle.

Le second texte biblique qui y fait allusion se rapporte à Isaac et à ce qu’on a appelé « le sacrifice d’Isaac ». Mais Isaac ne fut pas sacrifié, comme on le sait ; il fut seulement ligoté. C’est pourquoi les rabbins continuent encore aujourd’hui à parler de cette dixième épreuve d’Abraham comme de « la ligature d’Isaac ». Le second patriarche redescendit vivant de la montagne de MoRiYaH sur laquelle son père l’avait conduit dans l’intention de l’offrir à Dieu. « Dieu dit à Abraham : Prends donc ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac. Pars pour le pays de MoRiYaH et là tu l’offriras en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai ». (Genèse 22, 2).

Mont Sion au sud de la ville. L’emplacement du Temple, et en particulier son Saint des Saints (sanctuaire le plus intime), est le lieu le plus saint du monde pour le peuple juif, considéré comme le lien entre Dieu et l’humanité. Les Juifs pratiquants récitent l’ Amidah trois fois par jour face au Mont du Temple à Jérusalem, priant pour la reconstruction du Saint Temple, la restauration du service du Temple, la rédemption du monde et la venue du Messie . Dans la Kabbale , la référence la plus ésotérique est faite à Tzion étant le point spirituel d’où émerge la réalité, situé dans le Saint des Saints du Premier , Deuxième et Troisième Temple.

La tradition a identifié la montagne de MoRiYaH à la colline de SION, c’est-à-dire à la montagne du Temple (II Chroniques 3, 1). Le commentateur de Troyes en Champagne, Rachi (XIIème). La première croit lire dans ce nom de MoRa’aH, l’enseignement de la ToRaH, à Israël. La seconde est celle du traduc­teur araméen qui y trouve la racine de MoR (myrrhe) et croit que le nom de MoRiYaH fut donné à Jérusalem pour rappeler le rite des parfums qu’on brûlait au Temple.

On a aisément compris que les interprétations de ce nom par les rabbins sont en fait un moyen de présenter la double vocation de Jérusalem : particulière  et universelle (parfums que tout le monde peut sentir). En fait, le texte de la « ligature d’Isaac » est fondamental pour le Judaïsme, non pas tant pour la grandeur et l’authenticité de la foi d’Abraham qui était prêt à sacrifier à Dieu ce qu’il avait de plus cher, que pour la théologie du dialogue qu’il instaure désormais entre l’homme et Dieu. La vie pour Dieu est plus signifi­cative et porte un plus grand témoignage que la mort pour lui. Il ne demande pas à l’homme de se sacrifier pour lui, mais de vivre pour lui et par sa parole. C’est pourquoi la descente de la montagne est plus éprouvante pour Isaac que la montée.

SHALEM –  SHALOM –  SHALOMON

C’est donc la plénitude divine qui se réfugie là avec l’édification du Temple et nous évoquerons une nouvelle fois les rapprochements étymologiques entre Shalem, la plénitude, Shalom la Paix, et Salomon le Pacifique.

El Elion ou YHWH ?

Avec la nouvelle Alliance, le Christ sera appelé « Fils du Très-Haut », et l’on sait l’équivalence guématrique entre Emmanuel, nom de Jésus donné par l’ange, et El Elion le Dieu Très-Haut ; son sacrifice est celui du pain et du vin, aussi la même référence à Melchitsedek ; roi de Salem-Jérusalem, va-t-elle légitimer désormais la tradition inau­gurée par l’Evangile, mais cette fois dans un aspect plus exclusivement sacerdotal ou spirituel si l’on veut. Curieusement en tout cas, le personnage « Roi de la justice et Roi de la paix », le personnage sans génération dont le nom est associé à celui de Jérusalem et à son situs géographique, ce personnage, d’un côté bénit (de haut en bas) Abram — l’invocateur d’El Schaddaï, le Dieu Tout-Puissant, architecte de l’univers — et d’un autre côté bénit, en action de grâce ; de bas en haut), El Elyon, le Dieu Très-Haut, pour les victoires l’Abram. Il paraît ainsi comme un médiateur entre les deux aspects divins : le « Très-haut », l’inaccessible — et le « Tout-Puissant ».

Tombe du Roi David

Faut-il voir là comme une allusion à celui auquel s’adresse le psaume le David 91 : « Celui qui demeure sous la protection d’El Elyon à ‘ombre de Shaddaï » ? Entre les deux alliances, juive et chrétienne, faut relever un fait qui n’explique certes pas la venue du Christ, mais qui prépare en quelque sorte le conditionnement des esprits à a révélation du rejeton de la race de David et de la tribu royale de Juda, c’est à dire de l’ouverture de Jérusalem à l’universalisme, en même temps d’ailleurs que de la convergence du regard des gentils vers la Cité Sainte : « Shalem, dit Nahmanide, c’est Jérusalem car il est écrit son tabernacle est à Shalem, et son roi est appelé, même au temps de Josué Adoni Tsedek (maître de justice) car dès cette époque les gentils savaient que ce lieu est le plus auguste de tous, qu’il se trouvait au centre de la terre habitée et la tradition leur avait appris qu’il correspond ici-bas au Trône céleste où réside la majesté divine appelée Tsedek »

C’est d’ailleurs à propos de Melchitsedek que se développera la rivalité exégétique judéo-chrétienne des premiers siècles. On élèvera ou on rabaissera le Roi de Justice selon les besoins de l’Eglise ou de la Synagogue, jamais trop loin cependant, sauf à perdre ses propres justifications de prééminence élective.

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