La disparition de l’Arche et ses aventuriers


En 1987, Richard Elliott Friedman, professeur d’hébreu et de théologie comparative à l’Université de Californie, exprima un point de vue partagé par nombre de savants, en qualifiant la disparition de la relique sacrée de mystère majeur de la Bible : « Personne ne sait où elle est aujourd’hui. L’objet le plus important du monde, du point de vue de la Bible, a simplement cessé de faire partie de l’histoire. ».

Lorsque le roi Salomon édifia le premier Temple, son seul mobile était de créer « une maison de paix pour l’Arche d’Alliance du Seigneur ». A une date inconnue cependant, entre le X et le VIe siècle avant J.-C., ce trésor unique et tout-puissant disparut du Saint des Saints, sans que les Écritures en manifestent le moindre regret. A croire qu’elle n’avait jamais existé. A l’évidence, l’Arche n’était déjà plus là quand les armées de Nabuchodonosor brûlèrent Jérusalem en 587. Et elle ne figurait certainement pas dans le second Temple qui fut construit sur les ruines du premier, après la fin de l’exil à Babylone, en 538. Il est impossible qu’un objet d’une telle valeur religieuse et symbolique ait pu disparaître sans soulever le moindre commentaire, tel un trou noir dans l’espace. La caractéristique la plus remarquable de l’Arche dans les derniers livres de l’Ancien Testament, c’est son absence. Alors la question est : où est-elle ? et c’est sur les traces laissées par l’Histoire officielle et parallèle que nous sommes aventurés : piste qui nous mènera aux confins de l’Afrique et peut-être au-delà des mers avec l’incroyable découverte.

Chronologie

Quelle maison pouvez-vous me bâtir ?

L’installation de l’Arche dans le Temple, vers 955 avant J.-C. 14, est ainsi décrite dans la Bible : « Alors le roi Salomon assembla près de lui à Jérusalem les anciens d’Israël, et les prêtres transportèrent l’Arche d’Alliance du Seigneur à sa place dans le sanctuaire du Temple.  Mais il advint que les prêtres ne purent y rester pour faire le service à cause de la nuée, car la gloire de l’Éternel remplissait la Maison de l’Éternel. Alors, Salomon parla : « Le Seigneur a dit qu’il habiterait dans une nuée. O Dieu, j’ai bâti cette maison afin qu’elle te tienne lieu de demeure, et que ton trône y soit établi pour jamais. Mais est-il croyable que Dieu habite véritablement sur la terre ? Car si les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te retenir, combien moins encore le pourra cette maison que j’ai bâtie ! » »

Toujours selon les Écritures, Salomon, plus tard, « tourna son cœur vers d’autres dieux » et adora avec un enthousiasme particulier « Astarté, déesse des Sidoniens, et Milcom, l’abomination des Amorites. Vu sa tendance à l’apostasie, il est  difficile de croire que ce monarque dont, disait-on, la sagesse légendaire avait surpassé « toute la sagesse des Égyptiens, eût jamais pu tenir Jéhovah en très haute estime. Il nous semble qu’en prononçant ces curieuses paroles il avait exprimé une peur réelle, de nature plus pratique que spirituelle. La relique sacrée n’était-elle pas capable de se libérer, même ancrée sur la pierre même de la fondation du monde ? L’énergie imprévisible qu’elle renfermait ne pourrait-elle se montrer suffisamment puissante pour percer de ses feux l’obscurité du Saint des Saints et détruire la grande « maison » construite autour d’elle ?

Le Temple n’aurait-il pas été bâti moins comme le palais terrestre d’une divinité vénérée que comme une sorte de prison pour l’Arche ? Dans le Saint des Saints, au-dessus des deux chérubins qui se faisaient face sur le propitiatoire, Salomon avait fait installer deux chérubins supplémentaires de taille géante — sinistres gardiens, en vérité, avec leurs ailes déployées de plus de quatre mètres cinquante d’envergure, toutes recouvertes d’or. Le Saint des Saints lui-même (installé, selon la Bible, « pour recevoir l’Arche d’Alliance de Jéhovah ») était un cube parfait extrêmement solide. Mesurant neuf mètres de côté, sa base, ses quatre parois et son plafond étaient recouverts d’or pur — on en estime le poids à plus de vingt tonnes -, rivé par des clous d’or.

Betsaléel

Cette cellule dorée ne fut pas le seul détail de la construction du Temple qui intrigue Au moins aussi intéressante était la généalogie du maître d’œuvre — un étranger du nom de Betsaleel — que l’on avait mandé pour réaliser tous les autres ouvrages en métal exigés par Salomon.

« Le roi Salomon fit venir de Tyr Hiram, fils d’une veuve de la tribu de Nephtali. Hiram était rempli de sagesse, d’intelligence et d’ingéniosité pour exécuter des objets de bronze. »

Il est à noter que la première mention en littérature du héros du Graal, Perceval, recourt à des termes presque identiques : « le fils de la dame veuve ». En fait, tant Chrétien de Troyes que son successeur, Wolfram von Eschenbach, le définissaient ainsi avec insistance. Pouvons-nous  encore voir là l’une des bizarres coïncidences grâce auxquelles, via un symbolisme aussi dense que trompeur, la quête fictive du Graal semblait avoir été délibérément conçue comme un cryptogramme de la véritable quête, celle de l’Arche perdue ? Nous savons que les Chevaliers du Temple avaient joué un rôle clef dans les deux, et qu’après la suppression de leur ordre au XIVe siècle nombre de leurs traditions s’étaient préservées dans la franc-maçonnerie écossaise. Il est donc surprenant d’apprendre qu’Hiram de Tyr était non seulement un « fils de veuve », comme Perceval, mais aussi une figure capitale pour les francs-maçons, qui l’appellent « Hiram Abiff » et se réfèrent à lui dans leurs rituels.

D’après la tradition maçonnique, Hiram fut assassiné par trois de ses assistants, peu après avoir terminé son travail au Temple. Cet événement paraît si lourd de sens qu’on le commémore lors des cérémonies d’initiation des maîtres maçons — chaque initié doit y jouer le rôle de la victime. Dans les différents catéchismes figurent la description d’une partie importante du cérémonial encore régulièrement pratiqué aujourd’hui :

« Étendu sur le sol, les yeux bandés, l’initié entend les trois meurtriers décider de l’enfouir sous un tas d’ordures « jusqu’à minuit » où ils transporteront son cadavre hors du Temple. Afin de symboliser l’enterrement d’Hiram Abiff, le candidat est enveloppé dans une couverture et transporté dans un coin de la pièce. Bientôt, il entend une cloche sonner douze coups et il est emporté de sa tombe « d’ordures » vers une tombe creusée en haut d’une colline  » à l’ouest du mont Moriya » (le mont du Temple). Il entend les trois meurtriers s’accorder à marquer sa tombe d’un rameau d’acacia puis se mettre en route pour fuir en Éthiopie par la mer Rouge.»

Là encore, nouvelles coïncidences — l’une mineure, en l’occurrence le rameau d’acacia (bois utilisé pour la construction de l’Arche), l’autre majeure : dans la tradition maçonnique, les meurtriers d’Hiram ont l’intention de s’enfuir «en Éthiopie ». Nous savons que parfois c’est dans les détails que se niche la vérité et il n’est pas interdit de penser qu’ils doivent d’une certaine façon se rapporter à notre quête.

La mer d’airain est zodiacale et renvoie aux mystères de l’Égypte. Ce modèle est exactement celui qui fut adopté par l’Église des saints des derniers jours pour le baptême.

Ce soupçon est renforcé quand nous constatons que l’un des objets de bronze fabriqués par Hiram était :

« … la mer de métal moulé. Elle avait dix coudées d’un bord à l’autre, une forme entièrement ronde, cinq coudées de hauteur et une circonférence que mesurait un cordon de trente coudées. Son épaisseur était d’une paume ; son bord, semblable au bord d’une coupe, était façonné en corolle. Elle contenait deux mille baths.»

Cette « mer » se trouvait dans la cour du Temple. Il s’agissait d’un grand bassin en bronze de cinq mètres de diamètre sur deux mètres cinquante de hauteur. Vide, elle pesait environ trente tonnes mais contenait normalement plus de quarante-cinq mille litres d’eau. La plupart des savants avouent franchement ignorer à quoi elle pouvait servir. Certains pensent qu’elle symbolisait les « eaux primordiales » dont il est question dans la Genèse, d’autres que les prêtres l’utilisaient pour leurs ablutions. Aucune de ces hypothèses ne sont satisfaisantes, et la seconde nous semble la plus improbable, parce que la Bible dit nettement qu’Hiram avait fabriqué dix bassins de bronze plus petits dans ce but précis (placé sur un support à roulettes, chacun contenait « quarante baths »). mais nouvelle et heureuse coïncidence car  la « mer » de bronze fabriquée par Hiram dans la cour du Temple ne renvoie t-elle pas au parcours de l’arche de l’Arche ? à Louxor, les « arches » contenant des effigies de dieux étaient toujours transportées vers l’eau. La « mer » de bronze était peut-être tout simplement une sorte de lac sacré ? »

Fêtes de l’Opet au cours de laquelle l’Arche contenant les tablettes avec les noms de la Triade sacrée redescendait ensuite le Nil de Louxor à Karnac puis retour

Selon la Bible, les autres objets fabriqués par Hiram pour le roi Salomon auraient été « les cendriers, les pelles et les coupes d’aspersion » mais aussi :

« … deux colonnes de bronze. La première avait dix-huit coudées de hauteur, et un fil de douze coudées mesurait la circonférence de la seconde. Il dressa les colonnes devant le vestibule du sanctuaire. Il dressa la colonne de droite et la nomma Jachin ; il dressa la colonne de gauche et la nomma Boaz. Ainsi fut achevé l’ouvrage des colonnes.» « Jachin » et « Boaz » figurent également dans la tradition maçonnique. Selon le « rituel ancien », ces deux grandes colonnes ante-diluviennes auraient été creuses. A l’intérieur se seraient trouvés les « anciennes archives » et les « écrits précieux » consacrés au passé du peuple juif. Dans ces archives, selon les francs-maçons, auraient figuré « le secret du shamir magique et l’histoire de ses propriétés ». De quoi pouvait-il s’agir ? Faisait-il seulement partie des arcanes maçonniques ou venait-il de la Bible ?

Le shamir de Rosslyn

Dans notre précédent ouvrage nous avons déjà évoqué le mot « shamir » à propos de la collégiale de Rosslyn où elle figure sur l’un des piliers en bonne et due place. Ce même mot apparait quatre fois dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Trois fois comme nom de ville, une comme nom d’homme. Il était évident qu’aucun ne pouvait être le shamir « magique » dont les secrets auraient été cachés dans les piliers de bronze d’Hiram.

Finalement, l’information cherchée se trouve non dans les Écritures, mais dans des documents talmudo-midrashiques. Comme Moïse avait recommandé aux Israélites de ne pas utiliser d’outils en fer pour la construction des lieux saints, Salomon avait défendu aux artisans l’emploi de marteaux, de haches et de burins. Afin de pouvoir tailler les énormes blocs de pierre dont seraient faits les murs extérieurs et la cour du Temple, il leur avait indiqué un instrument utilisé à l’époque de Moïse lui-même. Appelé shamir, il permettait de couper les matériaux les plus durs sans friction ni chaleur. On l’appelait également « la pierre qui casse les rochers ».

« Le shamir ne doit pas être conservé dans un récipient de fer ou de tout autre métal. Le récipient serait brûlé instantanément. Il doit être enveloppé de lainage puis mis dans une châsse en plomb remplie de son d’orge. Après la destruction du Temple de Salomon, le shamir disparut. » Il existe une autre version de la même histoire qui ajoute que le shamir était complètement silencieux durant ses opérations.

Toutes ces caractéristiques amènent à conclure —comme souvent lorsqu’il était question de l’Arche — qu’il s’agissait d’un objet de nature plus technologique que magique ou surnaturelle. Il est donc significatif que cet « instrument » fût directement associé à Moïse. Enfin, il ne nous semble pas tout à fait hors de propos que les francs-maçons écossais dont la filiation juive n’est plus exclue, eussent conservé leurs propres traditions distinctes selon lesquelles les secrets du shamir auraient été cachés à l’intérieur de deux piliers placés « devant le vestibule du sanctuaire » par Hiram, le fils de la veuve. L’histoire du shamir semble renforcer encore le mystère entourant la véritable nature de la forteresse qu’on avait érigée sur le mont Moriya pour servir de « sanctuaire à l’Arche d’Alliance du Seigneur ». Avec ses piliers de bronze, sa « mer » de bronze, ses chérubins géants et son autel doublé d’or, le Temple de Salomon avait été manifestement un endroit singulier, merveilleusement construit, le foyer de la superstition et de la terreur religieuse, le centre de la foi juive et de la vie culturelle. Comment, dès lors, l’Arche avait-elle pu disparaître de là ? et fait plus surprenant pourquoi la Bible à partir d’un certain moment garde le silence sur l’Arche d’alliance ,… à moins que quelque chose d’innommable avait eu lieu sur lequel il convenait de se taire.

à suivre … le second Temple des Juifs qui défia pendant plusieurs siècles celui de Salomon

 

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