Axes majeurs et portails temporels : une introduction à l’Hyperespace


Tout avait commencé avec Charles Howard Hinton, sans doute l’un des plus grands génie du XIX et XXème siècle par ses idées novatrices : on lui doit également la théorie des cordes. L’univers est une harpe vibrante.

Bien qu’il ne soit pas l’inventeur du concept de la quatrième dimension, il fut un véritable pionnier en la matière. Le premier essai qu’il publia date de 1880, il s’agit de Qu’est-ce que la quatrième dimension?, où est expliqué le concept de la quatrième dimension, notamment à travers l’exemple de la construction d’un hypercube (« Constructing a Four-Square »). Dans son livre A New Era of Thought) (Une nouvelle ère de la pensée), Charles Hinton avance l’idée que notre espace possède une légère hyperépaisseur dans la quatrième dimension, nous permettant de construire des pensées 4D

 

Philosophie de l’hyper espace : introduction

Le mathématicien britannique Charles Howard Hinton, a joué un rôle clé dans la la popularisation de l’hyperphilosophie par la publication de nombreux écrits au cours des années 1884-1907, en spéculant sur la physique et les aspects spirituels de la quatrième dimension.

Il a également anticipé les dimensions cachées de la théorie des cordes en affirmant que la quatrième dimension pourrait peut-être être observée sur les plus petits détails de la matière physique. Hinton a inventé les noms ana et kata, qui font référence aux aspects positifs et négatifs le long de l’axe de la quatrième la dimension spatiale. Il a mis au point un système mnémonique de quelques dizaines de milliers de cubes avec des noms en latin, servant de rétine mentale d’un type sur lequel on peut visualiser les coupes transversales successives des objets de la quatrième dimension.

Intéressé par la pensée orientale, il a également cherché des techniques pour éliminer les « éléments subjectifs » en mémorisant les différentes les orientations et les reflets des cubes en miroir.

Plus tard, il a développé un outil pédagogique pour en faire une méthode pour visualiser la quatrième dimension qui consistait en une manipulation de cubes colorés. Les cubes étaient disponibles auprès de son éditeur et il y en avait 27.

Dans le court métrage de science-fiction d’Algernon Blackwood (Forête noire)  ou l’histoire d’Une victime de l’espace supérieur, la « victime » garde glisse  vers l’espace quadridimensionnel – par l’utilisation des cubes de Hinton.

Lorsque Gardner a présenté les cubes de Hinton dans son Article du Scientific American, il a reçu une petite tombe qui était un avertissement d’un ingénieur-conseil anglais qui avait déjà expérimenté la méthode. La lettre précisait et mettait en garde que la visualisation en quatre dimensions des cubes finira par défiler dans son propre esprit sans son accord. Il a ensuite déclaré que les exercices étaient « complètement destructeur d’esprit » et qu’il recommandait à quiconque de ne pas jouer avec les cubes ».

Aujourd’hui à la lumière pédagogique du film « Interstellar  » de Christopher Nolan nous allons tenter une introduction simple et imaginée de la quatrième dimension mais nous n’oublierons pas que les grands travaux de François Mitterrand sont assez curieusement tous rattachés à cette fameuse quatrième dimension.

Résumé : Dans un futur proche, la Terre est devenue de moins en moins accueillante pour l’humanité plongée dans une grave crise alimentaire. Une humanité tellement résignée sur son destin que les écoles enseignent que les missions Apollo n’eurent pas lieu et n’étaient que des impostures destinées à ruiner l’URSS. Cooper, ancien pilote de la NASA devenu agriculteur, vit dans une ferme avec sa famille. Sa fille Murphy, âgée de dix ans, croit leur maison hantée par un fantôme voulant communiquer avec elle. Pendant un match de baseball, une tempête de poussière surgit. Observant que la poussière entrée par la fenêtre restée ouverte dans la chambre de sa fille forme des lignes, Cooper déduit que ce phénomène de communication est causé par la gravité, et remarque que les données reçues sont en binaire, et non pas en morse comme le croyait Murphy. Le « fantôme » pourrait être une intelligence inconnue leur adressant un message codé au moyen d’ondes gravitationnelles qui altèrent la poussière sur le sol. Ils comprennent que ce message leur indique les coordonnées géographiques d’un lieu où ils décident de se rendre.

A la fin du film, après avoir passé l’horizon des événements du trou noir, Cooper s’éjecte du vaisseau pour éviter d’atteindre la singularité et d’être réduit à néant. Bientôt, lui et le robot TARS parviennent dans un endroit aux propriétés étonnantes, le Tesseract.

Le tesseract.

Il est vrai que cette scène a surpris, voire déçu beaucoup de spectateurs. Comment, une bibliothèque au centre d’un trou noir ? Au-delà des critiques scénaristiques légitimes, cette scène a le mérite de présenter en filigrane un objet bien moins connu du grand public qu’un trou de ver ou un trou noir – et pour autant tout aussi fascinant bien que complètement spéculatif. Il faut déjà bien comprendre qu’un esprit humain ne peut pas visualiser un tesseract. C’est impossible.

Le temps : la quatrième dimension

Nous vivons dans un espace à trois dimensions : largeur, hauteur, et profondeur. Pour donner rendez-vous à un ami, nous lui indiquons un point précis, intersection de ces trois dimensions. Rendez-vous rue Victor Hugo, au numéro 12, au troisième étage. Toutefois, pour qu’un rendez-vous soit précis, il faut y ajouter une heure précise. Le temps : voilà la quatrième dimension. Une dimension différente. Si nous pouvons à loisir nous déplacer dans l’espace, en avant et en arrière, en revanche nous ne pouvons pas remonter le temps qui avance inexorablement vers le futur. Les lois de la relativité interdisent les voyages dans le passé, avec ou sans DeLorean. Notre univers est donc composé de trois dimensions spatiales et d’une dimension temporelle.

Flatland

un habitant de « flatland »

Kip Thorne et Christopher Nolan, lors de leur première rencontre, ont discuté d’une de leurs lectures communes : le roman Flatland, de l’écrivain anglais Edwin Abott Abott, paru en 1884. Allégorie originale, elle décrit les aventures d’un carré qui vit dans un monde appelé Flatland (le pays plat). Ce carré visite une contrée appelé Lineland (le pays de la ligne), un monde à une dimension ; puis Pointland (le pays du point), à zéro dimension ; et enfin Spaceland (le pays de l’espace), à trois dimensions. Un jour, il est visité par une sphère venue de Spaceland. Pour ce carré, c’est évidemment une nouveauté, extrêmement difficile à appréhender, et impossible à se représenter.

Pourquoi cela ? Le principe est résumé sur le schéma ci-dessous. Imaginez que vous n’êtes rien d’autre qu’un carré qui vit sur une feuille de papier. Une vie modeste et ascétique, n’est-ce pas ? Un jour, un point bleu apparaît sur votre feuille, il grandit et devient un cercle, puis rétrécit, redevient un point, et disparaît. Etant un carré plus intelligent que la moyenne, la seule solution raisonnable, à vos yeux, est que vous venez d’être visité par un être qui vit dans un monde contenant une dimension supplémentaire.

 

Le tesseract est au cube ce que le cube est au carré. C’est un hypercube, un cube à quatre dimensions. C’est une manière visuelle de représenter en trois dimensions un espace à quatre dimensions. Procédons, comme le fait Kip Thorne, par étapes. Si nous prenons un point et le déplaçons dans un espace à une dimension, nous obtenons une ligne. Cette ligne a deux faces, ce sont des points. Si nous déplaçons cette ligne dans un espace à deux dimensions, nous obtenons un carré. Ce carré a quatre faces, ce sont des lignes. Ce carré, déplacé dans un espace à trois dimensions, devient un cube. Le cube a six faces, chacune de ses faces est un carré. Si nous déplaçons ce cube dans un espace à quatre dimensions, nous obtenons un tesseract. Le tesseract a huit faces, ce sont des cubes. Ces huit faces ont trois dimensions, tandis que l’intérieur, le bulk, a quatre dimensions.

La pièce dans lequel pénètre Cooper est l’un des cubes du tesseract, modifié cependant de façon complexe par Christopher Nolan. Comme précisé au début de l’article, le cerveau humain ne peut pas se représenter un univers à quatre dimensions spatiales, tout comme le carré de Flatland ne peut pas se représenter une sphère. D’où cette remarque de l’astro-physicine Thorne qui fut le conseiller technique du film : « Parce que Cooper est fait d’atomes tenus ensemble par des forces électriques et nucléaires, qui ne peuvent exister que dans un monde à trois dimensions d’espace et une dimension de temps, il est confiné dans l’une des faces en trois dimensions (l’un des cubes) du tesseract. Il ne peut pas appréhender sa quatrième dimension spatiale. »

Jamais le « bulk », le centre du tesseract, n’est donc montré dans le film. A vrai dire, nous ne pouvons même pas le voir, puisque la lumière se déplace seulement dans des espaces à trois dimensions, comme les faces du tesseract.

Selon l’interprétation de l’astrophysicien Thorne, le tesseract se déplace ensuite à travers l’univers, pour se placer derrière la chambre de Murphy, près de la fameuse bibliothèque.

 

Et là, les choses se compliquent. Cooper est en mesure de voir sa fille à travers les six murs de la face de son tesseract. Lorsqu’il regarde à droite, il voit la chambre de Murphy depuis le mur de droite. Lorsqu’il regarde à gauche, il la voit depuis le mur de gauche. Vers le haut, depuis le mur du haut. Et ainsi de suite. Cooper voit donc six chambres, même si en réalité il n’y en a qu’une, mais vue depuis six points différents. Mais voici un autre schéma qui sera certainement plus explicite.

Ceci est le postulat de départ du tesseract. La représentation visuelle du film est différente, à cause des modifications complexes conçues par Nolan. La première particularité est que chaque vue de la chambre de Murphy ne couvre qu’un tiers du mur de Cooper. La seconde est que le temps est également représenté physiquement, comme le précise TARS à Cooper. Ce sont des extrusions qui semblent s’étendre indéfiniment, comme un treillis. C’est ce qui explique qu’entre chaque représentation de la chambre de Murphy, le spectateur peut voir ces espèces de bandes colorées qui ne sont rien d’autre que le flux du temps. A chaque intersection de deux extrusions de temps, il y a une chambre de Murphy telle qu’elle était à un moment donné dans le temps. Cooper peut très facilement voyager d’un instant à un autre en se déplaçant dans le tesseract. Lorsqu’il se déplace vers le haut, il avance dans le temps ; au contraire lorsqu’il se déplace vers le bas il recule dans le temps. Cette infinité de chambres qui est représentée dans le film n’est évidemment qu’une seule et même chambre mais à des instants différents.

Comme le suggère Brand, pour les êtres du bulk, le temps n’est qu’une dimension physique comme une autre, et passé comme futur ne sont peut-être pour eux que des montagnes à gravir.

Considérations liminaires sur le voyage dans le temps

Cooper se déplace donc pépère dans le passé, l’air de rien, épiant sa petite fille de son enfance jusqu’à l’âge adulte, découvrant peut-être avec stupeur des moments pudiques que le film nous épargne heureusement. Mais voyager dans le passé n’est-il pas interdit par les lois de la physique ? Difficile à dire. Kip Thorne lui-même le souligne :

« Les lois du voyages vers le passé sont gouvernées par la physique quantique, qui demeure quasiment une terra incognita, et nous physiciens peinons à dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. »

Christopher Nolan a donc fait un choix. Rien ne peut voyager dans le passé, ce qui génère d’ailleurs le drame familial de Cooper. Rien hormis une chose : la force gravitationnelle, qui peut porter des messages vers le passé. Cooper s’en rend compte en tentant de pousser un livre de la bibliothèque. Découvrant qu’il est lui-même le fantôme qui effrayait sa fille, il utilise ensuite cette gravité pour transférer des données quantiques vers le passé, afin que Murph puisse résoudre l’équation du professeur Brand et sauver l’humanité.

« Salut, ici ton père dans le futur. Tout va bien et il fait beau. Ci-joint quelques données quantiques. »

Comment ce voyage dans le temps de la force gravitationnelle peut-il bien fonctionner ? En 1987, après avoir travaillé sur le roman Contact de Carl Sagan, Kip Thorne découvre une propriété particulière des trous de ver. Les lois de la relativité d’Einstein permettraient de les « transformer » en machines à remonter le temps. Une théorie à laquelle n’adhère pas Stephen Hawking, pour qui ces détails particuliers des trous de ver sont gérés par la physique quantique (qui décrit le comportement des particules de l’infiniment petit), domaine encore trop méconnu pour affirmer quoi que ce soit. Selon Hawking, les lois de la physique empêcheront toujours les voyages vers le passé, gardant ainsi l’Univers sain et sauf pour les historiens.

Pour autant, Thorne fournit une interprétation de cette étonnante faculté de la gravité à voyager dans le temps. Comment le livre que Cooper tente de pousser à l’intérieur du tesseract peut-il bien tomber dans la chambre de Murph ? Il utilise pour cela une analogie avec l’un des célèbres desseins du célèbre artiste néerlandais Escher, bien connu pour ses trompe l’œil. Waterfall de Max Escher présente un étonnant paradoxe visuel lié aux proportions : l’eau de la base d’une chute d’eau semble descendre le long d’un aqueduc, avant d’atteindre le haut de la même chute d’eau.

Rappelons tout d’abord que le tesseract est un objet dont les faces – des cubes – sont en trois dimensions, et dont l’intérieur – le bulk – est en quatre dimensions.  Tout ce que nous voyons dans le film est contenu dans l’une des faces du tesseract. Nous ne voyons jamais le bulk, puisque, comme expliqué précédemment, la lumière ne peut pas voyager dans des espaces à quatre dimensions. En revanche, la gravité le peut.

Selon Thorne, si Cooper aperçoit un livre dans la chambre de Murph, c’est parce qu’un rayon de lumière traverse les faces du tesseract. Et lorsqu’il pousse ce livre, il génère un signal gravitationnel qui traverse le bulk et arrive dans la chambre de Murph avant même qu’il n’ait été généré. C’est visible ci-dessous  :

En rouge, ce que voit Cooper (le rayon de lumière). En violet, la force gravitationnelle générée lorsqu’il pousse le livre.

 

Le courant de l’eau du dessin d’Escher qui tombe de la chute est le rayon de lumière, et le courant qui circule dans l’aqueduc la force gravitationnelle.

à suivre, méthode de visualisation de la quatrième dimension à partir des travaux de Juan de Herrera et de Howard Hinton

 
 

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