Le Janus de Dampierre sur Boutonne


A Dampierre sur Boutonne au dessus de la cheminée de la salle du restaurant figure un Janus avec différentes indications. L’intérêt de ce Janus est dans le renversement des deux figure opposées non pas en miroir mais de façon inversée. Il est signalé par l’Adepte Fulcanelli dans son livres « les Demeures philosophales » en quelques lignes. La date de 1924 indique que cette pierre a été replacée (insertvm) ici et qu’elle devait donc être ailleurs auparavant. 1924 est en effet la date de l’achèvement des travaux de restauration (la première restauration et il y en aura d’autres) et de l’inscription du domaine au patrimoine national.


Mais que pouvons nous y lire ? la figure de RABELAIS un contemporain

Tout d’abord, c’est Grasset d’Orcet qui nous propose un rapprochement quelque peu inattendu avec les personnages de Pantagruel, Gargantua et Janus : Quant au nom de Pantagruel, il est emprunté à la langue officielle de la quinte, c’est-à-dire l’hébreu. PNUT-GR-AUL peut se traduire : la force qui s’enfuit, au moment où elle tourne le dos. En français moderne, c’est le commencement de la fortune décroissante…  Dans un autre article, le savant cryptologue donne la signification suivante pour le nom de Pantagruel : La fortune qui tourne, ce qui est bien l’image du Tarot (Rota, la roue).

Quant à Gargantua, il est intéressant de voir comment l’auteur l’assimile à Janus : Gargantua, ou Mithra, comme dieu du solstice d’hiver, était le trompette ou héraut du point du jour… que les maçons nomment encore saint jean d’hiver, et Rabelais jean pleure ; c’est le Gargantua hivernal, le Gargantua estival est Jean rit, le mot de passe des Rose-Croix ; Jean pleure et Jean rit sont les deux faces de l’androgyne ou de Janus, le dieu pair archigaulois.

C’est donc le même personnage que le dieu Horus « des deux horizons » des Egyptiens, le « Matutinus Pater » des Latins, le génie au visage changeant, et enfin Maître Janus, l’initiateur magique de Villiers de L’Isle-Adam. Sachant cela, on considérera attentivement le sujet composé de la lettre H, tenant deux D entrelacés et ornés de figures humaines, vues de profil, l’une de vieillard, l’autre de jeune homme, signalé par Fulcanelli et placé sur le manteau de la cheminée.

Nous en soumettons une image actualisée au lecteur, afin qu’il puisse noter l’inversion des deux têtes ainsi que la rose hermétique sur laquelle vient reposer le célèbre monogramme. Ainsi se trouve nettement indiquée l’idée d’une giration, à l’image de la course du Soleil ou bien encore des étoiles du ciel nocturne. Eugène Canseliet, disciple de la Cabale solaire qui se réclamait de Fulcanelli, insiste à maintes reprises dans son œuvre sur le trajet du Soleil, en parfaite continuité avec les enseignements de l’ancienne Égypte : pour compléter les 12 signes du zodiaque, reste Gargantua lui-même qui représente les deux changements de direction solaire, ou les deux tropiques du Capricorne et du Cancer ; mais comme le Roi, son représentant terrestre, ne peut pas se dédoubler pour une tâche aussi ardue, il délègue son vigoureux ami, frère Jean des Entommeures, à la garde du tropique du Capricorne, et il fonde pour lui l’abbaye de Thélème, où les deux sexes se trouvent réunis.

Un autre rapprochement intéressant peut être fait entre les trois personnages de la « Roue », et les trois Grâces ou les trois Parques : Les Grâces figurent sur le tombeau de Catherine de Médicis et autres, comme hiéroglyphe du « girement ». Aux yeux des anciens, elles ne différaient d’ailleurs en rien des trois Parques, et celle du milieu, qui représentait la mort, ou le changement de sort, avait l’habitude de tourner le dos pour figurer l’inconnu.

La roue est traditionnellement attribuée à sainte Catherine, patronne des philosophes et des jeunes filles, qui convertit l’impératrice Faustine et dont le corps fut porté par les anges.

Dampierre sur Boutonne, la cheminée

Histoire du château et une énigme : qui fut réellement  l’architecte et le concepteur des caissons ?

En 1373, Duguesclin arrache la forteresse Plantagenêt aux anglais. En 1495, la baronnie de Dampierre se sépare de celle de Surgères. François de Clermont, de retour des guerres d’Italie, entreprend la construction du château renaissance achevé vers 1550. 150 ans plus tard, François de Clermont, chambellan de Louis XI, accompagna le successeur de ce dernier, Charles VIII, dans sa première campagne d’Italie dont le but était de s’emparer de Naples. Il fut si impressionné par la découverte de l’Italie et de l’art de la Renaissance qu’il décida, à son retour en 1495, de délaisser son vieux château fort et d’ériger, sur le site d’un ancien prieuré des Templiers (tour sud), une demeure de plaisance dans le style des palais italiens. C’est l’origine du château actuel, sis sur deux îles entourées par l’eau de la Boutonne, principal affluent de la Charente.

Le fils de François de Clermont, Jacques (1477-1549), apporta peu de modifications au projet initial, mais il eut l’honneur de recevoir François Ier au château après une chasse dans la forêt voisine de Chizé. A la génération suivante en revanche, Jeanne de Vivonne, qui avait épousé Claude de Clermont (mort en 1545) fit ajouter la double galerie (en 1549) qui fait aujourd’hui encore la célébrité du monument avec sa voûte à nervures et ses caissons au décor emblématique et alchimique. On y remarque le H et le C imbriqués, initiales de Henri II et Catherine de Médicis, formant malicieusement un D pour Diane de Poitiers, favorite du roi.

Il existait auparavant une seconde cheminée sise au premier étage mais elle fut ravagée par l’incendie de 2002 et ne reste plus que des photos d’archive avec le commentaire de l’Adepte.

Un avant-bras droit revêtu d’une armure sort d’une nuée et brandit une épée. Sous la main du justicier céleste l’extrémité de l’épée se transforme en fléau de balance. A chaque extrémité pend un plateau, vraisemblablement rempli de pièces d’or. La pièce figurant au haut de l’amas montre une lettre majuscule « L », surmontée d’une couronne, tracées à la peinture noire. Est-ce un Louis d’or ? Louis XIII ne commence son règne qu’en 1610 et l’on peut alors supposer que la peinture a été faite à ce moment-là ou en désespoir de cause accepter l’explication de Fulcanelli sur la lettrer « L »


Il s’agit d’une allégorie de la Justice, qui d’ordinaire tient dans une main une épée et de l’autre une balance à deux plateaux. La banderole qui s’enroule autour de l’épée porte l’inscription : « La justice donne des freins aux orgueilleux ».
Ces orgueilleux sont représentés par les deux animaux menaçants, heureusement tenus en laisse et maitrisés, par la main céleste.
La cheminée à l’étage aujourd’hui disparue et ce qu’en dit Fulcanlli :

« Dans une salle spacieuse du premier étage, on remarque tout particulièrement une grande et fort belle cheminée, dorée et recouverte de peintures. Malheureusement, la surface principale du manteau a perdu, sous un affreux badigeon rougeâtre, les sujets qui la décoraient. Seules, quelques lettres isolées restent visibles dans sa partie inférieure. Par contre, les deux côtés ont conservé leur décoration et font vivement regretter la perte de la composition majeure. Sur chacun de ces côtés le motif est semblable. On y voit apparaître, dans le haut, un avant-bras dont la main tient une épée levée et une balance. Vers le milieu de l’épée s’enroule la partie centrale d’un phylactère flottant, revêtu de l’inscription :

DAT JVSTVS FRENA SVPERBIS .

Deux chaînes d’or, reliées au sommet de la balance, viennent s’adapter plus bas, l’une au collier d’un molosse, l’autre au carcan d’un dragon dont la langue sort par la gueule ouverte. Tous deux dressent la tête et dirigent leurs regards vers la main. Les deux plateaux de la balance portent des rouleaux de pièces d’or. L’un de ces rouleaux est marqué de la lettre L surmontée d’une couronne ; sur un autre, c’est une main tenant une petite balance avec, au-dessous d’elle, l’image d’un dragon d’aspect menaçant.

Au-dessus de ces grands motifs, c’est-à-dire à l’extrémité supérieure des faces latérales, sont peints deux médaillons. Le premier montre une croix de Malte flanquée, aux angles, de fleurs de lys ; le second porte l’effigie d’une gracieuse figurine.

Dans son ensemble, cette composition se présente comme un paradigme de la science hermétique. Dogue et dragon y tiennent la place des deux principes matériels, assemblés et retenus par l’or des sages, selon la proportion requise et l’équilibre naturelle, ainsi que nous l’enseigne l’image de la balance. La main est celle de l’artisan ; ferme pour manœuvrer l’épée, — hiéroglyphe du feu qui pénètre, mortifie, change les propriétés des choses, — prudente dans la répartition des matières d’après les règles des poids et des mesures philosophiques. Quant aux rouleaux de pièces d’or, ils indiquent clairement la nature du résultat final et l’un des objectifs de l’œuvre. La marque formée d’un L couronné a toujours été le signe conventionnel chargé, dans la notation graphique, de désigner l’or de projection, c’est-à-dire alchimiquement fabriqué.

Tout aussi expressifs sont les petits médaillons, dont l’un représente la Nature, laquelle doit sans cesse servir de guide et de mentor à l’artiste, tandis que l’autre proclame la qualité de Rose-Croix qu’avait acquise le savant auteur de ces symboles variés. La fleur de lys héraldique correspond, en effet, à la rose hermétique. Jointe à la croix, elle sert comme la rose, d’enseigne et de blason au chevalier pratiquant ayant, par la grâce divine, réalisé la pierre philosophale. Mais, si cet emblème nous apporte la preuve du savoir que possédait l’Adepte inconnu de Dampierre, il sert aussi à nous convaincre de la vanité, de l’inutilité des tentatives que nous pourrions faire dans la recherche de sa véritable personnalité. On sait pourquoi les Rose-Croix se qualifiaient eux-mêmes d’invisibles ; il est donc probable que, de son vivant, le nôtre a dû s’entourer des précautions indispensables et prendre toutes les mesures propres à dissimuler son identité. Il a voulu que l’homme s’effaçât devant la science et que son œuvre lapidaire ne contînt d’autre signature que le titre élevé, mais anonyme, du rosicrucianisme et de l’Adeptat. » Fulcanelli, in Les Demeures philosophales tome 2

Il reste à identifier l’auteur de cette galerie formant un gigantesque rebus.  Notre Janus serait-il une indication ? ..

à suivre …


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *