Il était une fois .. Chambord


On peut raconter Chambord de différentes façons car Chambord est aussi un conte qui peut se raconter aux petites filles. Ainsi dans un livre paru en 2014, « le fantôme  de Chambord », (dans la série « Marie-Anne fille du Roi, Flammarion Jeunesse) l’auteure Anne-Marie Despalt-Duc nous invite à une autre lecture moins conventionnelle. Elle constitue une bonne introduction à l’énigme de Chambord.


«        Cela se pourrait. Ainsi, je me suis aperçu que les F à l’envers indiquaient tous l’est… Et qu’y a-t-il en direction de l’est ?

—        Heu… le lever du soleil…

Il hausse les épaules comme si j’avais prononcé une énorme bêtise et enchaîne d’une voix fiévreuse :

—        Il y a Fontainebleau, l’autre demeure aimée de François 1er, et surtout Reims. La basilique de Saint-Remi, lieu saint entre tous puisqu’il conserve les reliques de saint Remi qui a couronné Clovis le premier roi des Francs. J’ai méticuleusement étudié les trois sites : Chambord, Fontainebleau et Reims. Eh bien, ils sont alignés sur la même droite !

—        Sur la même droite ? Répété-je incrédule.

—        Parfaitement, une ligne droite qui partirait de Reims pour aboutir à Chambord en passant par Fontainebleau !

—        Est-ce un hasard ?

—        Je ne le crois pas. La droite est trop parfaite. Chambord a donc été construit sciemment dans le prolongement exact de Reims et Fontainebleau pour nous transmettre un message. Sinon, pourquoi diable avoir bâti cette demeure dans un lieu si marécageux et inhospitalier, et où ont péri, d’un mal mystérieux, plusieurs centaines d’ouvriers !

Cette révélation me laisse sans voix.

–           Et il y a beaucoup d’autres indices… tenez, vous souvenez-vous de l’année de la mort de saint Remi ?

Je réfléchis un instant. L’abbé Solamon nous a conté la vie de l’évêque de Reims il n’y a pas longtemps, mais ses leçons sont si ennuyeuses… Soudain, la date me revient et je lance, satisfaite :

—        533 !

—        Exact. Eh bien, suivez-moi jusqu’à la lanterne.

Il marche d’un pas alerte, non sans se retourner plusieurs fois. Je le suis, me retournant à mon tour. Devant la lanterne, il m’indique de l’index un chapiteau, sur lequel je lis : 1533 !

Il est curieux, n’est-ce pas, que mille ans après la mort du saint homme, cette date symbolique soit gravée sur la pierre de Chambord. Elle y est trois fois sur le même chapiteau et jamais ailleurs. C’est un nouveau signe, j’en suis persuadé.

Je ne comprends pas très bien comment ces deux dates entremêlées pourraient nous aider à découvrir le trésor… mais je crains de paraître ignorante ou incrédule si je l’interroge et je me contente de hocher la tête.

Francesco est si heureux de me faire partager ses théories qu’il ne perçoit pas ma réticence.

Ainsi, Reims et Chambord sont liés et je vais vous le prouver d’une autre manière, s’enflamme-t-il. Il y a dans la basilique un labyrinthe et…

—        Cela n’a rien d’étrange. Il y a un labyrinthe également dans la cathédrale de Chartres, un à Amiens et un à Saint-Quentin… L’abbé Solamon m’en a expliqué la signification et…

—        Et quelle forme ont-ils ? s’emporte-t-il.

—        je l’ignore.

—        Ils sont circulaires ou de forme octogonale !

—        Et alors ?

—        Alors ! Celui de Reims n’est point du tout dessiné ainsi. Il est carré avec à chaque angle la forme d’une tourelle à huit côtés… Encore le chiffre huit ! Il est partout, partout… vous dis-je.

—        Oui, mais nous ne savons pas l’interpréter.

—        Pas encore… Pourtant, il y a plus étrange. Ce labyrinthe est l’exacte reproduction du plan du donjon de Chambord. Si l’on pouvait poser le dessin du donjon de Chambord sur le labyrinthe, il le recouvrirait entièrement.

Sa révélation me stupéfie et je ne peux que bredouiller :

—        Vous… vous en êtes certain ?

—        Certain.

Cela me semble trop extraordinaire et j’ai du mal à me persuader que nous sommes vraiment sur la bonne piste. Francesco, toujours aussi exalté, m’explique :

—        Vous voyez, il y a bien à Reims un mystère… le mystère de la cachette du Graal ou de celle d’un important trésor… et ce mystère est relié à Fontainebleau et à Chambord. »


Chambord et le labyrinthe de Reims

Le labyrinthe de Reims est, comme celui d’Amiens, à base carrée ; cependant, un octogone est cantonné dans chacun des quatre angles. A l’intérieur de ces octogones seront représentées les effigies des maîtres d’œuvre, alors que pour le rite des chevaliers, chaque octogone symbolisera chacun des quatre éléments de la nature, mis en évidence par Empédocle d’Agrigente (Ve siècle avant JC) : la terre, le feu, l’eau et l’air. Raoul Glabère (vers 985-1050) montre comment les quatre Evangiles sont liés aux quatre éléments, aux quatre vertus cardinales et aux quatre fleuves du paradis.

A l’époque la physique de Grosseteste affirme que le corps suprême est constitué de la forme, de la matière, de la composition et d’un composé, selon la théorie d’Aristote : la forme est représentée par le nombre 1, la matière par le 2 et la composition par le 3 ; le composé lui-même est représenté par le nombre 4 ; le recours à la tetraktys pythagoricienne, 1 + 2 + 3 + 4 = 10 indique que toute chose entière est parfaite en 10.

Le signe d’un monde supérieur qui se dérobe à notre connaissance s’ouvre à nous par le détour des symboles ». (Scot Erigène). Le centre représente la Jérusalem Céleste, c’est-à-dire le Paradis : le parcours de la vie du Chevalier du Temple devra le conduire jusqu’à la Jérusalem Céleste, sur un chemin qui sera de temps à autre, long et tortueux, ou bien court et direct. Il faut observer le tracé pour constater alternativement cette signification. Le centre contient aussi l’idée de la quintessence, de la transformation en substance volatile, telle l’âme de « l’homme parfait » qui a compris le sens de l’ordre de l’univers. La compréhension de l’univers est issue de l’observation et de la contemplation ; la compréhension de l’univers, de la Création, permet de se rapprocher du Créateur, de Dieu  « Dieu, il ne nous est pas permis de le voir autrement que par reflets et symboles », dit encore St Bernard. Le cercle symbolise pour lui, comme pour tous les « grands initiés de la Haute Eglise », la voûte céleste, l’impalpable, la Création, la Jérusalem Céleste.

C’était la voûte des églises qui s’était imposée peu à peu à partir du IXe siècle, totalement utilisée au XIe siècle, pour atteindre son apogée à Reims. C’est l’arc, que les Mésopotamiens utilisaient pour représenter 4.000 ans plus tôt « le ciel » dans leur écriture. Le carré et ses quatre côtés, ses quatre angles, représentait tout ce qui était terrestre : l’univers et ses quatre éléments.

La conjonction du carré et du cercle, quand ils avaient la capacité de la correspondance grâce à l’intelligence de l’homme, par sa capacité à résoudre cette énigme de la création, avait une dimension sacrée. L’homme, par son sens de l’abstraction, par l’intelligence de ses mains, continue l’œuvre de Dieu, l’œuvre du Créateur : l’homme crée lui-même en harmonie avec la Création. Pour les maîtres d’œuvre médiévaux, le travail qu’ils avaient à accomplir avait toujours un caractère sacré.

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