Templum Druidorum -1


Wuilliam Stukeley connu aussi sous son nom de Chyndonax, grand druide du Druidic ordre restauré à Londres en 1717. Il tient ici une branche de chêne.

Le présent travail sera exposé en deux voir trois parties :

  1. L’invisible college et les Rose-Croix
  2. Réveil du druidisme : Le bosquet sacré de Mount Haemus
  3. William Stuckeley et le réveil de Chyndomax


L’Invisible College et le mouvement rose-croix

C’est un mouvement chrétien libertaire très inspiré des philosophies rhénanes de l’époque et qui trouvera son « logo », son image, en se positionnant dans la continuité de la mouvance rose-croix. N’étant ni anglican, ni presbytérien, ni catholique, la coloration philosophique de ce groupe s’assimilera plus volontiers comme un enfant très religieux — nous pourrions même dire mystique — et néanmoins illégitime de la Réforme. Ce groupe a inculture au sein de sa démarche chrétienne un ésotérisme alchimique, la science kabbalistique, associés à un positivisme éclairé reposant sur l’avancée des sciences comme l’astronomie, la chimie, l’anatomie, etc. En dehors des exploits d’Andrea, qui furent de courte durée, c’est plutôt dans la vie passionnée de Giordano Bruno et dans les œuvres de Bacon, comme sa Nova Atlantis, elles-mêmes étant inspirées de Paracelse, d’Agrippa, de Pic de la Mirandole et de Lulle, entre autres, que le mouvement rose-croix d’Oxford puisera volontiers afin de se constituer très spontanément des assises. Les trois hommes principaux qui se succéderont dans ce groupe sont

Elias Ashmole

Robert Fludd (1574-1616), Élias Ashmole (1617-1692) et Thomas Vaughan (16221666). Ce mouvement aura son College au sein même d’Oxford et, au même titre que les prétendus rose-croix laissaient à penser qu’ils étaient invisibles, ledit salon prendra le nom d’Invisible College. Il semble que le plus convaincu des trois de l’existence réelle des rose-croix ait été Fludd qui tenta de prendre contact avec eux, sans succès, et quand des élèves ou correspondants lui attribuaient ce titre, il niait avec humilité mettant en avant son indignité. Auteur d’une théogonie originale, somme toute très gnostique et dualiste, il avança la thèse d’un « Dieu caché » et de deux grandes forces contraires qui géraient le monde. L’homme, libre par définition, pouvait osciller entre la face sombre et la face lumineuse de l’univers et remonter par son travail vers la Cause ultime. En cela très proche de son contemporain Jacob Boehme (1575-1624) — dont il dut connaître les œuvres et pensées — Fludd part de l’observation du monde pour en tirer des symboles signifiants dépassant le cadre limitatif de la philosophie et des mathématiques afin de « deviner » cette force de cohésion agissant dans le monde dans lequel se cache le Dieu en tant qu’Alpha et Oméga.

Il est clair que les thèses de Fludd sont très proches du credo panthéiste encore à venir : Dieu est dans tout et tout est dans Dieu. L’homme alimente sa responsabilité par une prise de liberté fondamentale. Il soutient néanmoins la thèse de la création qui le démarque d’un panthéisme pur proposant l’infinité de la matière dans le temps et dans l’espace.

Collège d’Oxford, l’excellence dans l’excellence

Le deuxième héros de cette saga rose-croix au sein d’Oxford est bien sûr Élias Ashmole (1617-1692). Il n’a pas connu Fludd. Très tôt doté d’un savoir encyclopédique, Ashmole est un scientifique, un chimiste et un physicien. Mais il eut bien d’autres centres d’intérêt, comme la musique, l’astronomie, les sciences occultes, l’alchimie. Oxford lui décerna en 1669 le titre de docteur en physique et il y fonda son laboratoire qui, de nos jours, existe toujours sous forme de musée, l’Ashmolean Museum. Il eut aussi une véritable passion pour l’archéologie en partageant les travaux de son ami intime, John Aubrey, le premier grand archéolologue des Temps modernes.

L’Invisible College fut vraisemblablement préparé par Fludd et quelques-uns de ses amis – Dugdale, Backhouse, Vaughan. Lorsque Ashmole le reprit en main, il eut une tout autre dimension de par la qualité de ses adhérents qui ne sont autres que le philosophe John Locke (1632-1704), Robert Boyle (1636-1691), Robert Moray, Thomas Vaughan, Sir Christopher Wren, et ensuite Isaac Newton (1642-1727), parmi d’autres moins connus, et le groupe se cristallisera sous le nom proprement dit d’Invisible College vers 1648 dans les cours du professeur Wilkins au Wadham College en tant que noyau de préparation de la Royal Society.

Sceau de Robert Moray

En effet, nous avons en fait sous les yeux la liste des grands fondateurs et premiers membres de la Royal Society émergeant en 1662, Robert Moray en étant le premier président. Cet Invisible College entre l’époque de Fludd et 1660 muta donc plusieurs fois et assuma ainsi une forme de remontée en surface sous les coups de boutoirs de l’avancée des sciences au sein du groupe d’Oxford. C’est dans les cours du professeur Wilkins (toujours un oxfordien) que cette mutation s’opéra dès 1648. Il semblerait que le lien rosicrucien entre Fludd et Ashmole ait été cet autre philosophe alchimiste, William Backhouse (1593-1662), ce dernier ayant eu des sentiments très paternels vis-à-vis d’Ashmole et lui ayant confié ses secrets alchimiques.

La naissance de la Royal Society dépendra en grande partie des positions politiques dudit groupe en faveur de la restauration des Stuarts. Nettement opposés au régime de Cromwell, ils ne seront pas inquiétés pour autant sérieusement. Des contacts préalables ayant été pris avec le prétendant, il semble que cette Royal Society soit issue d’un accord entre les parties définissant une forme d’anoblissement public de leur groupe et une forme d’immunité garantie par la Couronne, pourvu que ladite Society fasse rayonner le rétablissement de la royauté par la qualité de ses travaux et leur diffusion au profit de l’image d’un roi éclairé. Nous sommes devant le modèle de ce que sera l’Académie française. C’est donc vraisemblablement par les relations étroites qui existeront entre la Royal Society et la maçonnerie encore à venir qu’un héritage de type rose-croix pourra se diffuser, particulièrement dans la mise en place de certains grades qui se généraliseront dans de nombreux rites d’origines diverses au XVIII° siècle.

Au cours de ce développement, nous avons isolé un mouvement chrétien libertaire et scientiste, à tendance mystique, qui, de Bruno, Bacon, Boehme et Fludd surgira dans la Royal Society, puis dans la maçonnerie, grâce à l’immense travail accompli par Ashmole et ses compagnons de l’Invisible College. Groupe déjà transdisciplinaire par excellence, il émerge au soleil des Lumières de la plus noble façon

à suivre : Genèse du Drudic Order à Grantham Hill

Grantham : propriété de William Stukeley où fut restauré le bosquet sacré des druides (voir seconde partie)

à voir aussi :
1717 ou les enjeux d’une date : druidisme et/ou Art Royal ?


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