Les Guanches antiques : vestige atlantéen


Le terme «guanche» est en réalité un générique, tardivement et abusivement adopté pour la commodité. Au départ, il ne concerne que les habitants de Ténérife. « Guanchinerfe » dans l’idiome local désigne « l’homme de Ténérife ».

Aux Canaries, le Guanche, l’aborigène pré-européen, est aujourd’hui, sans conteste, LA référence historico-culturelle des îles. Symbole de l’identité des Canariens, il cristallise sur son image les aspirations politiques et idéologiques régionalistes, nationalistes voire indépendantistes tout autant que les propos scientifiques ou littéraires, socioéconomiques ou artistiques, écologiques ou touristiques. Omniprésent dans toute représentation identitaire, il est devenu « l’ancêtre mythique » des Canariens, le « grand blond nu pacifique », encore de nos jours, le « bon sauvage » de Viera y Clavijo, innocent et vertueux.

«  Il existe beaucoup de similitudes entre les modes de vie américain et canarien, phénomène qui ne doit pas nous étonner si nous pensons aux interrelations de tous types qu’il y a eu entre les deux communautés. […] Les îles Canaries doivent, en partie, leur singularité à cette présence américaine dans leur mode de vie. »

Claude LÉVI-STRAUSS Anthropologie structurale – Ed. Pocket 1985

Il faut d’abord admettre il n’y eût pas, ou presque pas, de communication entre les îles. Chaque population a eu au fil des siècles le loisir de développer ses spécificités culturelles. Chacune se nommait d’après son dialecte. Ainsi sur « Titeroygatra » (Lanzarote) vivaient les Maoheri, sur « Hero » (Hierro) les Bimbaches, sur « Erbania » (Fuerteventura) les Maxoratas, etc. Si les langues ont tronc commun, il n’est pas d’évidence après 2000 ans d’évolution parallèle que les différentes populations fussent encore capables de dialoguer aisément entre elles.

Des rescapés de l’Atlantide ?

De nombreux théoriciens se sont accordés, en effet, à affirmer que les archipels des Canaries et des Açores constituent les ultimes vestiges du continent englouti de l’Atlantide D’ailleurs, pour de nombreux géographes, « les colonnes d’Hercule » de l’antiquité, correspondraient à ce que nous appelons aujourd’hui le détroit de Gibraltar. Dès le xviie siècle, le jésuite allemand Athanase Kircher (1602-1680), qui le premier cartographia l’Atlantide, avait, dans son Monde souterrain émis l’hypothèse que les Guanches, prédécesseurs des Espagnols aux îles Canaries, pourraient être des survivants de l’épopée atlante. Au xixe siècle, cette hypothèse a encore un fervent adepte, J.B.M. Bory de Saint Vincent qui à Paris en 1803, rédige son Essai sur les Iles Fortunées et l’antique Atlantide et il arrive qu’on la rencontre, même encore de nos jours, chez des amateurs plus ou moins informés. « Les Atlantes se sont conservés comme par miracle autour des cratères, croyant avoir été les seuls survivants d’une destruction générale. »

Le regard de Da Recco

Pour une première approche de ce monde à la fois unique et composite, écoutons  Da Recco, dit « Le Canarien », ce chroniqueur qui visite les îles encore vierges d’influence étrangère. La présence de géants blonds aux yeux bleus, au corps souple et puissant, interroge et impressionne. Les hommes atteignent 1m80 en moyenne, stature prodigieuse, vu par un européen du Moyen Age.

Mais Da Recco relève différentes morphologies : l’apparence de certaines populations suggère une origine levantine. Ailleurs, les Maoheri sont décrits comme très bruns et de taille modeste. A Lanzarote, il indique : « les hommes vont nus, à part une cape par derrière qui leur descend jusqu’aux chevilles, et ne manifestent aucune honte de leur corps. Les femmes sont magnifiques et marchent vêtues décemment de grandes tuniques de peau qui vont jusqu’au sol ». Concernant Fuerteventura :

« hommes et femmes sont de grande taille. Ils (… les hommes) ne portent qu’une peau de fourrure attachée à l’épaule. Les femmes portent la même et deux autres devant et derrière attachées à la taille et qui leur vont jusqu’aux genoux ». A Grand Canarie : « hommes et femmes se trouvent également pratiquement nus. Quelques uns qui paraissent commander portent des peaux de chèvres teintes de rouge et de safran. Autant qu’on puisse le voir, ces peaux sont très fines, douces, cousues habilement de fils de boyaux. Le tablier de ces chefs est de feuilles de palmier rehaussé de joncs rouges et jaunes ».

Roi berbère

Au XVIe siècle, le chroniqueur Abreu donnera des guanches résiduels des descriptions encore plus précises. La vêture s’est complétée, enrichie. Mais la vivacité des couleurs, la futilité des plumes et colifichets divers, trahissent le déclin des mentalités.

Les démographes doivent à la minutie des chroniques de Da Recco l’estimation de la population des îles avant la conquête. Nous disposons des chiffres pour 4 des 7 îles ce qui peut suffire à donner un aperçu.

  • Lanzarote :      800 à 1 000 h
  • La Palma :       2 000 h
  • Tenerife :        14000 h
  • Grd Canarie : 20 000 à 50 000 h

Les travaux de René Verneau ont permis également de constater une proportion de 90% de sang de groupe O aux Canaries (comme pour les Basques) est une caractéristique commune aux populations berbères du Haut Atlas. La rémanence du groupe O constitue plus largement une signature pour la famille des peuples pré-indo-européens. Elle perpétue l’écho multimillénaire de leur lointaine existence « au-delà des colonnes d’Hercule ». Henri Charpentier avait observé que la carte de répartition du sang O recoupait presque exactement celle du mégalithisme lié à l’expansion pélasgienne.

Il est remarquable de constater que dans les angues guanches, ont  conservé quelques 700 toponymes et quelques 300 expressions, grâce auxquelles les linguistes ont pu établir, aujourd’hui avec certitude, une relation avec la langue Tamazight parlée par les Berbères et plus spécialement par les Senhadja qui habitent le Hoggar ainsi  qu’avec le Basque (exemples donnés dans notre ouvrage).

 

Les pétroglyphes, très souvent en forme de spirales, que les Guanches ont gravés dans les grottes, sont une autre énigme qu’aujourd’hui encore beaucoup de chercheurs tentent de résoudre, y voyant, pour certains, des représentations astrales, pour d’autres un rituel sacré, pour d’autres encore une écriture à déchiffrer. Autant de suppositions qui alimentent le mythe « guanche », cristallisé aujourd’hui au cœur de l’identité canarienne, qui s’est développé sur le substrat fertile des mythes de la tradition gréco-latine : l’Âge d’Or, le Jardin des Hespérides, les îles des Bienheureux, ou encore les îles Fortunées et l’Atlantide rêvée par Platon dans le Timée et le Critias.

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