Le feu du soleil : Jacques Bergier et André Helbronneur


L’alchimiste de la République en réédition

Le Feu fut l’essentiel de la quête alchimique de l’Adepte et le sens de ses travaux scientifiques. Il convient de distinguer entre le feu qui démembre (Voie métallique sèche) et le feu pris en tant qu’agent fermentateur (voie spagyrique ou voie végétale). L’Alchimie fait partie des arts du feu comme la poterie ou la fabrication du verre. La pharmacie représente l’autre branche, celle des ferments ou dissolvants.


Ce qui importe pour l’alchimiste, c’est de savoir comment les métaux peuvent changer de nature et surtout comment on peut en extraire l’Essence la plus précieuse du monde : l’eau de vie métallique ou Mercure philosophique, cette Quintessence ou Esprit dont nous parlions au début de ce chapitre.

Pour comprendre cette possibilité, il faut s’en référer aux conceptions des alchimistes anciens et modernes.

D’après eux, la matière doit son existence à une énergie subtile nommée Feu ou Esprit universel à laquelle elle est constamment reliée comme à un fluide nourricier. Les métaux et leurs propriétés physiques et chimiques ne sont que des modalités d’espace-temps de ce Feu qui en lui-même ne connaît aucune dualité, sa nature étant un état d’être permanent, sans aucune discontinuité ni caractéristique propre. Tout le potentiel de l’alchimie se résume à la connaissance de ce Feu ou Esprit qui ne se manifeste pas directement dans l’univers objectif mais seulement à travers une sorte d’énergie condensée qui n’est rien d’autre que le Mercure philosophique ; ce dernier n’est donc qu’une atténuation du Feu compatible avec l’existence concrète des métaux.

Les nouveaux magiciens

On doit à Jacques Bergier d’avoir rendu célèbre et mythifier sous le nom de Fulcanelli la figure éponyme de l’Alchimiste faiseur d’étoile. Aujourd’hui la science est en passe de réaliser ce vieux rêve prométhéen. L’occasion de nous souvenir qui était vraiment Jacques Bergier, l’homme qui apparait croqué par Hergé dans vol 714 pour Sydney. Rappeler aussi que son cousin germain n’était aute que Georges Gamow, l’un des pionniers de la physique quantique.

Selon la chronologie publiée par Claude Thomas, la liste des travaux de Jacques Bergier est loin d’être négligeable :

1936, utilisation de l’eau lourde pour ralentir les neutrons dans la réaction de fission nucléaire.

1937, fabrication de deutériure de lithium.

1938, première synthèse d’un élément radioactif naturel, le polonium. 1939, loi Helbronner-Bergier sur l’antagonisme des radiations radioactives et solaires.

1940, dépôt de trois plis cachetés à l’Académie des sciences de Paris précisant les recherches physico-chimiques de Bergier, Helbronner et Eskenazi. Pli n° 11.686 du 27 mars 1940: « Possibilité de produire une réaction en chaîne dans une masse d’uranium 238 ». Pli n° 11.694 du 15 avril 1940 : «Argumentation. Partie I : Réaction en chaîne dans un mélange d’uranium et de deutérium. Partie Il : Entretien d’une réaction en chaîne dans un mélange d’uranium et de béryllium.. Pli n° 11.718 du 27 mai 1940: « Étude d’un centre d’énergie à base d’uranium, calcul du rayon critique, possibilité d’une désintégration du deuton par les ions rapides de fission, remarque sur le rayon critique d’une masse uranifère, possibilité d’obtenir une émission de neutrons en bombardant des noyaux lourds par des ions rapides de fission » (bombe H). Ces derniers documents seront jugés « sans fondements » par la commission de l’Académie le 23 juillet 1948. (Ouverture référencée dans les tables des comptes rendus de l’Académie, tome 226 daté de 1948, p. 1655.)

1941, divers brevets vendus à l’usine Hispano-Suiza de Lyon.

1940-1943, amplificateur dit « impédance infinie», (utile pour écoutes téléphoniques) ; procédés d’automatisation industrielle (commandes de machines-outils) et méthodes de mesures, de découpes et d’encollages des tissus d’habillement.

1946-1950, études pour la Société d’études, de recherche et d’applications des poudres agglomérées (SERAP), sur l’incorporation de particules de carbone aux métaux ferreux.

1950, refroidissement électronique des réacteurs nucléaires. t 1955, réacteur nucléaire sous-critique sans modérateur.

1961, études sur l’amélioration des propriétés lumineuses de phares d’automobiles.

Le plus étonnant, ce sont les plis cachetés déposés à l’Académie des sciences au printemps 1940, donc en pleine guerre, mais avant la défaite et l’Occupation : rien moins que le principe de la bombe A et de la bombe H et les indications techniques pour en réussir la mise au point. Pourtant et malgré leur intérêt stratégique les lettres restent scellées durant l’Occupation. En avril 1940, il était trop tard pour renverser le cours de la bataille de France mais on s’interroge sur l’issue du conflit si celles-ci avaient été découvertes à temps. Et s’en servir. L’histoire officielle de la bombe H fut crédité au physicien russe Andreï Sakharov en 1953, mais aussi fondamentaux que soient ses travaux, il n’a fait que redécouvrir ce qu’Helbronner et Bergier avaient trouvé treize ans plus tôt.

Jacques Bergier alias Mick Ezdanitoff dans Vol 714 pour Sydney d’Hergé

Sans déposer de brevet, Helbronner, Eskenazi et Bergier ont aussi travaillé sur un mode de fusion nucléaire qui retrouve aujourd’hui une actualité brûlante sous le nom de Z machine.

André Samson Seby Helbronner

André Samson Seby Helbronner naît le 23 décembre 1878 à Paris, dans une famille de notables alsaciens repliés sur la capitale lors de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne en 1870. Élève au lycée Condorcet puis à l’École supérieure de chimie de Paris, il soutient en 1904 en Sorbonne une thèse qu’il intitule « Contribution à l’étude des aldéhydes oxynaphtoïques ». Dans cette recherche, il s’intéresse à des corps complexes, aromatiques, qui peuvent se présenter sous plusieurs aspects et avoir diverses propriétés selon l’arrangement géométrique des molécules qui les composent. Il examine tous les cas possibles. Puis ses travaux vont porter sur la liquéfaction des gaz, en particulier ceux de l’air. Tout en assurant un enseignement universitaire, d’abord à Limoges, puis à Dijon, et enfin dans l’établissement le plus prestigieux, le Collège de France – il ne cesse de travailler pour l’industrie comme la Compagnie générale des produits chimiques de Louvres ou la Société hydro-électrique et métallurgique du Palais. Pour cette dernière, il s’intéresse entre autres à la stérilisation par rayons ultraviolets. Son équipe et lui mettent au point de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques. Cela va du cuir artificiel à l’amélioration des ascenseurs hydrauliques, des pellicules photographiques aux piles électriques, sans oublier le ciment… Tout ce qui nous parait banal aujourd’hui a pris naissance dans les années 1920 et souvent dans le laboratoire d’André Helbronner. En 1917, il s’installe aux États-Unis sur la recommandation de Georges Clemenceau, pour participer au développement de l’industrie aéronautique américaine grâce à ses vernis et ses colles pour ailes d’avions. Il obtient en 1922 la Grande Médaille d’or de l’Institut Franklin pour ses travaux sur la liquéfaction des gaz et sur les colloïdes.

Sa carrière va basculer vers 1930. Sans abandonner la chimie classique, il invente à partir des travaux inachevés de Pierre Curie – qui fut un proche de Fulcanelli – un générateur magnétohydrodynamique. Rappelons que les travaux sur la MHD ne reprendront que vers la fin des années 1960 et davantage en Russie ou dans les pays anglo-saxons qu’en France. Pour comprendre ce que représente une telle invention, il faut se souvenir que l’air comme l’eau — comme tout autre milieu liquide ou gazeux — opposent une résistance aux corps qui s’y déplacent. Plus la vitesse augmente et plus cette résistance devient dangereuse, c’est d’ailleurs pour cela que les avions ont un nez pointu pour rentrer plus aisément dans l’air comme une aiguille à coudre dans un tissu. Une autre façon d’éviter qu’un véhicule lancé à très grande vitesse dans un fluide, gaz ou liquide, soit détruit par le milieu qu’il traverse serait de l’isoler de ce milieu, d’éviter les frottements et les heurts. Or, nous explique sur son site web Jean-Pierre Petit, sans doute le meilleur spécialiste en France de la magnétohydrodynamique : « C’est l’art et la manière d’agir sur un fluide, liquide ou gaz, en faisant agir sur lui des forces électromagnétiques, à condition qu’il soit suffisamment conducteur de l’électricité. On parlera alors d’accélérateur MHD. C’est également l’art et la manière de transformer l’énergie de cinétique d’un fluide en énergie électrique. On parlera alors de générateur MHD. Plus généralement, dans la mesure où s’opère une conversion directe d’une forme d’énergie en une autre forme d’énergie (cinétique, électromagnétique) on parlera de convertisseur MHD. »

Zpinch
Z Machine

« Un gros effort de recherche de MHD avait été initié au début des années 1960 dans de nombreux pays : Angleterre, URSS, USA, France. Des pays comme l’Allemagne puis le Japon rejoignirent ce peloton plus tard. Le but était alors de mettre au point des générateurs MHD qui pouvaient en principe avoir des rendements bien supérieurs à ceux des machines thermiques (jusqu’à 60 %). Les sources d’énergie étaient de deux natures : combustions d’hydrocarbures ou énergie nucléaire. Pour que le procédé soit rentable, il était essentiel que le fluide dont on se proposait d’extraire le plus d’énergie cinétique possible ait une conductivité électrique suffisante. Or, en principe, tous les gaz sont de très mauvais conducteurs de l’électricité. Ce sont même carrément… des isolants. On fit donc tout ce qui semblait possible pour doter ces gaz d’une conductivité électrique importante, en les « ensemençant » avec des éléments alcalins, à bas « potentiel d’ionisation » (essentiellement du césium). Mais les résultats s’avérèrent décevants, en dépit des sommes très importantes investies dans cette recherche, à une époque de forte croissance économique. On envisagea alors de faire fonctionner ces générateurs avec deux températures, en dotant le gaz d’électrons libres d’une température plus élevée que celle du gaz lui-même, constitué d’atomes. Mais une redoutable instabilité, découverte théoriquement en 1964 par E. Velikhov (qui devint par la suite vice-président de l’Académie des sciences d’URSS), ruina tous ces plans dès la fin des années 1960. Au milieu des années 1970, la plupart des pays avaient abandonné, à l’exception de l’URSS qui maintint, jusqu’à son effondrement économique, un effort important dans ce secteur de recherche. »

à suivre ici dans le livre


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