La Vierge alchimique de Reims et le secret d’Asclépios


 

 

« Il apparait donc que ce Mercure n’est pas celui du vulgaire, mais celui des Sages, car tout Mercure vulgaire est mâle, c’est-à-dire corporel, spécifié, mort tandis que le nôtre est spirituel, féminin, vivant et vivifiant »

Eyrénée Philalèthe

A Reims lieu sacré s’il en est, se trouve l’un des derniers joyaux authentiquement alchimique de France sous la forme d’une œuvre d’art en date des années 1640. L’ésotériste Owald Wirth fut l’un des premiers en à déceler toute l’importance et y consacra une étude préliminaire qui reste encore aujourd’hui indépassable sauf par l’ouvrage en cours apportant un nouvel éclairage. Dans celui on discernera trois états ou trois strates : la dimension historique du tableau lié à l’abbaye de St Remi et au sacre royal, la personnalité de son commanditaire, un paracelsien proche du Roi Henri IV et enfin évidemment l’Opus Magnum qui sous tend la compréhension de ce chef d’œuvre de l’Art Royal.

« Le 26 janvier 1907, le Courrier de Champagne (Journal de Reims) publiait la lettre du curé du village champenois de Fligny, dans laquelle on lisait : « Je crois devoir signaler à votre collaborateur [le frère maçon Curieux] un tableau d’un grand intérêt pour prouver l’hypocrisie de la franc-maçonnerie et de la persistance de son but antireligieux sous des dehors les plus religieux. » La lettre du curé allait mettre le feu aux poudres. Elle était insérée en bonne place juste au-dessous d’un feuilleton anti-maçonnique intitulé Les Mystères de la rue Buirette  – car dans cette rue de Reims des loges maçonniques se réunissaient, comme aujourd’hui encore. « Curieux » était le pseudonyme du feuilletoniste.

Le tableau se trouvait alors dans l’église Saint-Maurice, à Reims. Il est maintenant conservé non loin de cet édifice, au musée du Collège des jésuites. A partir du 26 janvier 1907 et jusqu’en avril, il fit l’objet de toute une correspondance polémique publiée dans le même journal. Les uns y voyaient un dessin maçonnique d’autres une œuvre martiniste, d’autres encore une création jésuite orthodoxe malgré son curieux symbolisme. Cette polémique apparaît caractéristique d’une époque d’anti-cléricalisme et d’anti-maçonnisme virulents, si propice aussi à l’éclosion (le fantasmes du « complot »)

Il s’agit d’une peinture anonyme sur toile exécutée dans la première moitié du XVIIe siècle. On peut la dater ainsi grâce d’une part au cadre : le même entoure un autre tableau de Reims, dont la datation ne fait pas de doute – ce que Henri Jadart, le conservateur du musée de Reims, rappelait au cœur même de la polémique de 1907, et cela à l’encontre des interprétations fantaisistes de ceux qui y voyaient une symbolique maçonnique. Et grâce, d’autre part. à sa provenance : commanditée selon toute vraisemblance par les jésuites de Reims, elle s’inscrit dans une décoration d’ensemble constituée par ceux-ci dans les années 1620.

La Vierge occupe largement le centre, comme personnage principal. Au-dessous d’elle s’étalent les mots : Parthe-nos ousa tekon : teknon mè ekousa tokéas, ce qu’on peut traduire comme « Vierge étant j’ai enfanté : un enfant n’ayant pas de géniteurs ».

Debout sur un croissant (cf. Apocalypse, XII, I), elle porte une couronne de huit étoiles, nombre qui correspond à celui des personnages (lu bateau : c’est aussi, souvent, un nombre féminin et maternel, voire le nombre du Christ – en relation avec la résurrection du Sauveur, ou avec le double quaternaire (l’initiation parfaite). A ses pieds un globe terrestre, un génie tenant un carquois et une flèche. Deux anges la soutiennent, dont on voit seulement la tête et les ailes, Sous le croissant, un dragon vomissant des flammes, la tête dirigée vers le vaisseau. Sous les anges du bas sont inscrits les chiffres : 1266 et 1137. « 

 
 

La Vierge alchimique de Reims Une fois couronnée la matière, – la Terre-Mère, toujours vierge à cause de son humilité et de son rôle totalement indispensable, – nous voici devant la Vierge alchimique debout sur le croissant lunaire.

 

Les mystères d’Asclépios

A ceux dont « les serpents ont léché les oreilles » (APOLLODORE, Bibl., liv. I, ch. 9) (PLINE, Hist. Nat. liv. 10, paragr. 137)

Thot

Les historiens en sont d’accord. L’art de soulager la souf­france physique est aussi vieux que l’humanité.

Les vestiges laissés par la période préhistorique, si longue et si mal connue, permettent d’envisager des soins donnés aux ma­lades et aux blessés. Pour ces derniers les traces relevées sur des squelettes sont éloquentes.

Des rites, des incantations et autres procédés magiques consti­tuaient sans doute la partie principale du traitement. C’est tout à fait normal. Il est curieux et intéressant de noter que la souffrance est appelée aussi le mal. On dit indifféremment souffrir ou avoir mal. Opérer une guérison c’est chasser le mal dans tous les sens du terme, c’est par essence un acte magique. Notre époque a conservé cette notion ancestrale remontant au fond des âges, malgré tous les efforts déployés pour dissocier les deux concepts.

Pour la période historique c’est Thoüt ou Thot le grand an­cêtre. Il a laissé un nombre important de livres sur toutes les sciences, près de huit cents dit-on, et parmi ceux-ci de fort pré­cieux concernant la médecine. Certes la plupart ont totalement disparu, du moins le croit-on. Mais plusieurs auteurs anciens y font référence, en citent des passages, et tous se plaisent à louer son savoir exceptionnel, surhumain. Il fut déclaré l’inventeur des sciences, il en était tout au moins le dépositaire et il entra de plain-pied dans la mythologie de son pays, l’Égypte.

Certains ont avancé, non sans raison me semble-t-il, que cet ensemble si important de livres attribués à Thot peut fort bien s’entendre comme autant de chapitres et non d’ouvrages. C’est une habitude constante, même de nos jours et surtout au siècle der­nier, de diviser une étude en « livres » et dès lors le nombre de huit cents avancé ne heurte plus nos esprits modernes épris de rationalisme.

En tout cas Thot est le premier auteur connu ayant traité de la médecine, et quel auteur, hautement pluridisciplinaire. Il en­seignait en termes voilés bien entendu et surtout en langage imagé si courant depuis la haute antiquité, la médecine de la nature, celle des hommes aidée par celle des plantes.

Asclépios égyptien

Puis, au cours des siècles, apparut un autre très grand savant, plus spécialement tourné vers la médecine au point d’en être considéré comme le grand spécialiste. C’est Asclépios, également égyptien. Celui-ci aussi acquit une renommée considérable et ses réussites furent si nombreuses, si spectaculaires que leur retentis­sement s’étala tout naturellement sur une longue période. Les his­toriens en vinrent même à penser qu’il y eut un second Asclépios, toujours égyptien, savant et adroit comme le premier.

A cette époque, l’Egypte détenait dans ses temples la totalité du savoir scientifique et la somme de la Connaissance. Celle-ci se transmettait par la voie de l’initiation, la seule permettant une continuité presque illimitée tout en conservant une pureté presque intacte.

Cette suprématie devait se perpétuer durant plusieurs millé­naires, le rayonnement intellectuel de ce pays s’étendant sur plus de quatre mille ans.

Il n’est plus discuté que les plus beaux esprits de la Grèce, les intelligences les plus vives et les plus subtiles se rendaient en Egypte pour y recevoir les plus hauts enseignements. Rentrés dans leur patrie ces prodigieux « philosophes » (amis de la Sa­gesse) cherchèrent comment ils pourraient transmettre leur savoir à leurs compatriotes sans trahir leurs serments de discrétion, car ils avaient été initiés. Ils eurent le génie de repenser totalement leur érudition ésotérique afin de la restituer sous une forme ori­ginale, propre à la Grèce. La délicieuse et combien humaine mythologie grecque est sans doute née ainsi. C’est cela que l’on peut justement appeler le miracle grec.

Et Thot devint Hermès tandis qu’un autre Asclépios naissait sur le territoire d’Epidaure.

Si l’on veut comprendre le véritable sens du symbolisme grec il ne faut jamais oublier sa source qui est l’Egypte. Nous en aurons de nombreuses preuves tout au long de cette étude. Il est impos­sible d’appréhender complètement Asclépios, son culte et ses se­crets si on les dissocie de l’enseignement égyptien.

Bien plus tard Hermès devint à son tour Mercure. C’était la décadence romaine et les attributions nouvelles de ce dieu en sont une preuve éclatante. Pour sa part Asclépios se mua en Esculape auquel furent conservées ses prérogatives médicales tant elles étaient ancrées dans la mémoire et l’esprit des hommes. La suite dans le livre : La vierge alchimique de Reims et le secret d’Asclépios

 

de la Sainte Ampoule au vase sacré


On aura distingué sans peine au centre du tableau un vase (à gauche de l’observateur) et un Tholos (à droite de l’observateur). Ces deux points sont en rapport avec Asclépios et le grand œuvre médicinal (VITRIOLUM) comme nous allons le démonter.
La Sainte Ampoule était une fiole contenant une huile sacrée qui, selon la légende, aurait servi lors du baptême de Clovis. Son nom viendrait du latin ampulla (petit flacon, fiole) ou du saxon ampel (coupe, fiole).
Une portion de ce baume était mélangée à du saint chrême pour servir à l’onction des rois de France lors de la cérémonie du sacre. Elle était conservée à l’abbaye Saint-Remi de Reims.

Abbaye de Saint Rémi

Bien que la Sainte Ampoule et une grande partie de son contenu aient été détruits à la Révolution, l’archevêque de Reims conserve aujourd’hui un infime reste de cette relique qui aurait été sauvée des révolutionnaires et conservée dans une ampoule de substitution, utilisée notamment pour le sacre de Charles X en 1825 et précieusement conservée jusqu’à nos jours par la ville de Reims.

l est possible que l’ampoule de verre remplie de baume ait pu servir aux sacres effectués dans l’église Saint-Rémi de Reims, donc dès Charles III le Simple en 893, cependant il faut attendre le sacre du pieux roi Louis VII en 1131 (le tableau mentionne une date de 1137) pour que l’on ait la certitude de son utilisation. L’ampoule n’est pas mentionnée mais le baume qu’elle contient l’est ; c’est dans l’ordo du sacre composé en 1230 sous saint Louis (figurant sur le tableau dans la nef) qu’est mentionnée la sacro-sainte ampoule apportée comme une relique par l’abbé de Saint-Rémi. Louis VII, qui a contribué à l’enrichissement de la symbolique royale, avec la fleur de lys à forte connotation mystique et l’enrichissement du sacre (avec le rite de chevalerie et l’intervention des pairs), a pu donner toute sa place au chrême du baptême de Clovis et à la sainte Ampoule.

L’abbé de Saint-Rémi, puis le grand prieur quand le monastère fut sous le régime de la commende, apportait solennellement la Sainte Ampoule dans la cathédrale, à pied d’abord, puis sur une haquenée blanche, sous un dais porté par quatre moines. Aux quatre coins se tenaient, quatre grands seigneurs dépêchés par le roi, appelés les otages c’est-à-dire les garants car ils juraient de protéger le reliquaire au péril de leur vie. Ils étaient précédés par la communauté monastique, entourés par les vassaux de l’abbaye, appelés les chevaliers de la Sainte Ampoule.

C’est l’évêque de Laon, duc et pair du royaume, qui a le privilège de porter la sainte ampoule au cours de la cérémonie. Le roi seul bénéficiait du baume prélevé par le prélat consécrateur avec une aiguille d’or : ce fragment de la taille d’un grain de blé était alors mélangé au saint chrême sur une patène et lui donnait une couleur rougeâtre. Avec le pouce, le prélat prélevait le mélange et traçait neuf onctions en forme de croix sur le souverain, tout en prononçant les paroles rituelles : sur le haut de la tête, la poitrine, entre les deux épaules, l’épaule droite, l’épaule gauche, la jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s’être revêtu, sur les paumes des mains. Après les onctions, on raclait la patène et on mettait ce qui restait du mélange dans l’ampoule, ce qui confortait la croyance populaire en un inépuisable baume. La reine n’était sacrée qu’avec du saint chrême.

L’ancien reliquaire, contenant la sainte Ampoule, ne sortait de l’abbaye Saint-Rémi de Reims que les jours du sacre. Louis XI voulut l’avoir près de lui à son lit de mort et fut obéi. C’est la seule fois que l’Ampoule quitta l’abbaye pour un but autre que celui que l’usage lui donnait.

Le premier roi à avoir été sacré à Reims fut Louis le Pieux en 816, le dernier Charles X. À partir du sacre d’Henri Ier en 1027 jusqu’au sacre de Charles X en 1825, on compte trente rois de France qui ont reçu la sainte onction à Reims, avec trois notables exceptions : Louis VI le Gros à Orléans, Henri IV à Chartres et Louis XVIII qui n’a pas été sacré.

 
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