Le combat de Jacob et l’esquisse hermétique du Tout universel


Il y aura eut les petits « touts » et les « Grands Touts » : autant de visions unificatrices  de l’auteur d’un « souvenir de Solférino » à son rêve quasi messianique de l’avènement d’une nouvelle Jérusalem sur Terre. Henry Dunant s’était identifié au prophète Jacob et on en  comprend les raisons : comme lui il eut à combattre toute sa vie contre de nombreux adversaires invisibles, comme lui il connaitra l’exil pendant plus de 30 ans et comme lui il sera à l’origine d’une nouvelle alliance et fédérera les nations, comme lui il rêvera d’une nouvelle société d’Orient ressuscitant Sion.

Dans les notes de cet opuscule on trouve de nombreuses références au parcours personnel d’Henry Dunant, notamment lorsqu’il suivait les leçons  du pasteur Louis Gaussen (apôtre du Réveil genevois et l’auteur de Théopneustie ) sur les prophéties de Daniel : « Il [dans le contexte, il = petite corne, fils de perdition, l’Antéchrist] prononcera des paroles contre le Très-Haut, il opprimera les saints du Très Haut, et il espérera changer les temps et la loi; et les saints seront livrés entre ses mains PENDANT UN TEMPS, DES TEMPS ET LA MOITIÉ D’UN TEMPS. » (Daniel 7:25)



Esquisse Hermétique du Tout Universel d’après la théosophie chrétienne

Pendant longtemps et en raison du pseudonyme cet ouvrage qui ne laisse pas de nous interroger, a été attribué à tort à Jean-Jacques Bourcart, industriel alsacien et mécène à ses heures. Bourcart s’est dévoué tout au long de sa vie à la cause d’ Henry Dunant, le célèbre fondateur de la Croix Rouge mais ce n’est pas lui l’auteur de cet étrange ouvrage. Le Dr. Papus (1865-1916), théosophe et animateur du Martinisme –  un mouvement paramaçonnique – en fera la préface à l’occasion de la seconde édition. Il y  dira qu’il explicite « la synthèse absolue de la conception hindoue du Parabrahm. »  Parabrahm signifie étymologiquement l’au-delà de Brahman. Que voulait-il dire sinon évoquer que derrière ce terme le but avoué de cet ouvrage est bien la quête hénologique  – celle de l’Un – de l’Esprit Suprême, ou encore de la réalité suprême. La théosophie nous raconte le drame de l’incarnation de l’Esprit dans la matière et ses noces de fer, jusqu’à l’apparition de l’Homme. Dans cette descente, la réalité absolue s’est scindée en myriades de parcelles de vie subjective, dont l’Ego humain sera l’un des principaux avatars. Il s’agit d’une notion dont la Théosophie occidentale va s’emparer et que l’ouvrage va décrire au travers des différents règnes. L’auteur signe cet ouvrage d’un pseudonyme : Jacob, figure emblématique du combat avec l’Ange dans lequel Henry Dunant s’est imaginé lui-même. La préface de la première édition de 1892 est  signée anonymement J.H.D. (Jean-Henri Dunant). Le doute n’est pas permis et l’auteur de cet  ouvrage est bien le fondateur de la Croix Rouge et futur prix Nobel de la Paix en 1901, lecteur attentif de Fabre d’Olivet ! Le philanthrope se révèle être aussi un prophète et un esprit ouvert aux rayonnements secrets de l’ésotérisme et les remèdes qu’il est urgent d’apporter au  perfectionnement humain dans sa quête de rédemption. L’auteur du fameux  « Souvenir de  Solferino » fut aussi le fondateur de divers cercles bibliques (L’union chrétienne de Jeunes gens puis Union Chrétienne de Genève) et le propagateur des prophéties de Daniel dont il livre ici quelques clés. On lira donc cet essai comme ce qu’il est : le dernier testament de l’un des dix plus grands bienfaiteurs de l’humanité et la vision d’un « born again » dans la lumière du Millénarisme annoncé.

La philosophie de Louis Gaussen : Foi et Science

La lecture évangélique de la Bible qu’emploie Gaussen et qu’Henry Dunant synthétisera dans l’Esquisse hermétique du Tout Universel à sa façon peut se résumer ainsi :

  • Le fondement théologique sur lequel Gaussen fonde sa théopneustie, tout comme ses prédications revivalistes, est identique au principe épistémologie orthodoxe : la Bible est le fondement de la connaissance de Dieu. C’est le principium cognoscendi externum que l’on ne peut détacher du principium cognoscendi internum. Il n’y a point d’autre point de départ pour établir la véracité de la foi chrétienne que la Bible elle-même illuminée par le Saint-Esprit.
  • Le corollaire de cette thèse est que l’incroyant n’a pas la capacité naturelle ou commune d’accéder à la vérité chrétienne. Il n’y a pas de terrain neutre qui unisse croyants et incroyants dans la recherche de la vérité.
  • Parallèlement à cela, Gaussen affirme que cette foi chrétienne n’est pas déconnectée de la réalité et de l’histoire du monde. En assistant au progrès continuel des sciences et des techniques, rendu possible par l’unité préconisée entre la pensée mathématique et l’expérimentation réalisée par la manipulation des données, Gaussen est ouvert à l’utilisation des outils de la méthode expérimentale pour défendre sa lecture évangélique de la Bible. Il y a des raisons pour croire en la théopneustie et « ces raisons sont claires et victorieuses».
  • Le corollaire de cette thèse est la légitimité de la méthode scientifique expérimentale. Par-delà la nécessité du principium cognoscendi internum, Gaussen accepte la méthode scientifique en tant qu’outil adéquat dans la recherche de la vérité biblique. Son ancrage épistémologique orthodoxe l’empêche d’embrasser les principes de l’objectivisme écossais, mais il met, néanmoins, à profit les techniques scientifiques de recherche historique et expérimentale que développe la modernité naissante. Conscient que cette tension peut conduire à des contradictions, Gaussen limite la portée de la science lorsqu’elle met en péril les dogmes de la foi chrétienne. Cette dernière, préparée, accompagnée et défendue par la science, trouve son fondement dans les déclarations de Dieu et dans ses œuvres, rapportées dans les Écritures. Et cet appui n’est pas vain, puisque les livres saints ont été providentiellement transmis et préservés de toute erreur. Aussi, quand la science prétend ébranler la foi, celle-ci doit-elle « en appeler de la demi-science à la science mieux informée». Foi et science ne s’opposent donc pas. La science est même souhaitable. Mais elle n’a de validité que dans la mesure où elle parvient aux mêmes conclusions que la foi. La norme restera toujours le canon des Ecritures.

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