Entre prophétie et alchimie : le poêle de Winterthur


Henry Dunant, l’ermite de Heiden, qui découvrit le poêle de Winterthur rebaptisé « Four de Winterthur » par ses successeurs.

Fulcanelli le cite à deux reprises dans le « Mystère des cathédrales » et affirme dans son commentaire « on voit un pêcheur sortant de l’eau un beau poisson » …

A notre connaissance, le Maitre ne s’est jamais rendu en Suisse et son livre – quoique publié à titre posthume – fut préparé dans l’intervalle 1900 – 1914. Affecté ensuite aux service des inventions concernant la défense nationale, il ne pu se remettre à son travail qu’après la guerre. Ors effectivement en 1896 sortait une première édition de « L’esquisse hermétique du Tout » attribuée à Jean-Jacques Bourcart et signant sous le pseudonyme de Jacob, philanthrope et riche industriel de Mulhouse résidant à Zurich. Cette édition comprenait sans que l’on comprenne pourquoi une planche des médaillons du poêle sans aucun rapport avec le sujet théosophique du livre – Martinésiste pour être précis – et on se demande bien pourquoi ! sauf si … Dans cette planche on devine plus que l’on ne voit un pécheur à la ligne sur les berges d’un cours d’eau, quand au poisson on le distingue à peine et sans la légende force est d’admettre qu’on ne le voit pas du tout. Donc le Maitre devait disposer de photographies du poêle et celles-ci lui furent apportées soit par l’entourage de l’auteur – Jacob – soit par un zurichois. Il se trouve que l’un des ses condisciples ou plutôt élève était précisément natif de Zurich et il se trouve qu’il le cite également dans les demeures philosophales. Il s’agit de Charles Édouard Guillaume et  nous aurons l’occasion de revenir sur lui car il fut prix Nobel de physique en 1920 et travailla étroitement avec l’Adepte sur les métaux rares.

Mais revenons au signataire de l’Esquisse hermétique du tout universel, le fameux Jacob et ce qu’en disait Jean Laplace dont nous relayons le commentaire dans notre édition :

« Il est pour nous certain que Jacob (pseudonyme de Jean-Jaques Bourcart) n’avait pas le niveau requis pour découvrir par lui même que ce poêle d’apparence anodine est d’inspiration alchimique; que l’on se porte à la planche IX pour s’en donner une idée. »  Jean Laplace

Alors qui ?
 

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Les Pfau une dynastie de faïenciers célèbre

Pfau : ce nom se traduit par  « Paon » en français.  Il s’agit d’une célèbre famille d’artisans de Winterthur, depuis cinq générations, connues pour la fabrication de ses poêles en faïence et sa peinture sur émail, tout au long des XVIe et XVIe siècle. Leur origine reste incertaine, quoiqu’il semble venir de la région du Bad Wurtenberg. Un Pfau a été d’abord mentionné en 1526, puis les Pfau sont reçus dans la bourgoisie de la ville en 1539. Les plus célèbres de ces artisans sont Hans Heinrich Pfau (1598-1673) et son frère David (1607-1670). Le premier était principalement émailleur et a travaillé à la construction de fours, tandis que le second a travaillé comme un artiste et comme peintre.

Pour certains historiens le poêle date de 1617, pour d’autres (Fulcanelli) de 1702, le célèbre poêle que nous évoquons se trouvait d’abord dans une chambre du fameux château de Wülflingen.

Très vite, le nom des Pfau se fait connaître comme une dynastie d’artisans peintres, spécialisée dans la fabrication de fours ou de poêles, avec la présence, en amont de cette famille, d’un Ludwig I (1597) et de l’un de ses fils Onophrion (1564-1588).

En 1600, avec le succès la manufacture des Pfau se développe avec plusieurs maisons ; elle y ouvre des ateliers et même une manufacture dans la ville de Winterthur. Les deux frères, Hans Heinrich (1598-1673) et David (1607-1670), conduiront l’art de la fabrication des poêles et de leur peinture en émail à leur apogée.

L’art de la faïence des Pfau, avec Hans Heinrich III, offrait des motifs allégoriques et symboliques.  En raison e leur renommée, l’art ornemental des Pfau a été exportés vers le sud de l’Allemagne, dans les Grisons et à Lucerne. En outre, des cruches et des bols de céramique décorés furent trouvés dans les mairies de ces villes, dans les établissement cossus de la bourgeoisie, mais aussi dans des châteaux et dans des tribunaux de la région de Thurgovie et de Zurich. Les Pfau étaient connus jusqu’au Danemark.

Blason des Pfau

D’autres Pfau suivront jusqu’en 1896  et c’est évidemment du dernier que nous nous occuperons. L’avant dernier, Matthäus Pfau occupa le prestigieux château de Kyburg et y décéda en 1870, preuve s’il en est que la descendance Pfau occupait toujours le haut rang de la société suisse. Amateur d’art éclairé, il transforma d’ailleurs ce château en Musée, ce qu’il est encore aujourd’hui.

Le poêle

En fait de même qu’il y eut au moins une vingtaine de croix d’Hendaye, il exista plusieurs versions de ce poêle , l’autre version étant à M…s dans les Grisons. Chaque version se caractérise par une petite variation et parfois lorsqu’un incendie se déclarait on pouvait prélever des carreaux sur un autre poêle afin de réparer ceux qui avaient été endommagés. Sur celui de Winterthur les échassiers ne sont pas identiques et il manque la barque du pêcheur. Parfois les sentences qui accompagnent les tableaux ne correspondent pas mais nous les avons rétablis dans le bon ordre. Ainsi nous savons qu’il y avait à Winterthur, un tableau représentant un homme tenant le timon d’un bateau naviguant vent arrière, car sur le four le plus ancien, nous retrouverons cette scène maritime encastrée au-dessus du même poème à la gloire du pilote.

En  1705, lorsqu’un poêle était commandé, le gentilhomme céra­miste recevait son client à l’atelier, pour décider avec lui des tableaux qui allaient être peints et les images étaient, presque toujours, choisies parmi les estampes publiées par les graveurs renommés de l’époque. Le sens alchimique qui se décou­vre sur la plupart des fourneaux de ce genre, à donc souvent son origine dans les tailles-douces des recueils d’emblèmes, autres Songe de Poliphile au message plusieurs fois remanié.

Les céramistes, comme les émailleurs et les verriers, apprenaient l’alchimie avec le métier, quoique tous n’aient pas travaillé au Grand Œuvre. Les confré­ries de ces arts, les Zünfte d’Allemagne ou de Suisse, réunissaient des gentils­hommes qui étaient en constant contact avec les arcanes du laboratoire, de sorte que parmi tous ces spagyristes chevronnés il devait se trouver beaucoup de phi­losophes hermétiques.

Importée de Faenza ou d’ Urbino, la technique utilisée à Winterthur est très bien décrite par Cyprian Piccolpassi, en son traité des Trois Libvres de l’Art du Potier dont l’édition française se termine sur ce conseil :

«Ainsy travaille soubs ung bon maistre, va questan la fortune des beaulx secretz, manoeuvrant, adiustant, refecsant à nouveau, peincturant trez plus fine­ment, invenctant les nobles phantasies, pourchassant les aornementz precieulx et reliefz trez plus exquiz; ainsi prendras expérience et aquesteras talent que fault à tout».

Au cours de son apprentissage, le futur maître étudiait les tours de main dont le secret se transmettait de bouche à oreille. Il lui fallait d’abord se familia­riser avec la terre, savoir la choisir, l’émonder puis la travailler et s’accoutumer ensuite, peu à peu, à la pratique du feu, stade où l’apprenti devait sans doute peiner longtemps, avant que le maître n’accepte de l’initier au travail de la coubverte.

A cette époque, le céramiste élaborait ses couleurs lui même, quoique sou­vent il confiait certaines préparations secondaires à des ouvriers habiles au labo­ratoire et dignes de confiance. Ces hommes de main, quelquefois indispensables aux maîtres trop âgés, n’avaient pas toujours conscience de l’état sublime des matériaux qui pouvaient leur avoir été confiés, entre deux livraisons plus vulgai­res. Les procédés employés pour colorer les fondants nécessitaient la connais­sance de paramètres dont la divulgation était durement réprimée. Du simple palier de la température jusqu’à la préparation de la pâte, passant par le poids juste qui ne fera pas souffrir la couleur, les tours de main de l’art n’étaient révélés qu’à des gentilshommes, et depuis l’émail jusqu’au cristal, par tous les degrés de la transparence, la maîtrise de la pratique demandait une vie. C’est ce qui fera aussi la différence que nous verrons entre un David Sulzer et son copiste.

A la page 206 du Mystère des Cathédrales, Fulcanelli donna au céramiste une précellence sur le verrier : «La Sybille, écrivit-il, interrogée sur ce qu’était un Philosophe, répondit : c’est celui qui sait faire le verre. Appliquez-vous à le fabriquer selon notre art, sans trop tenir compte des procédés de verre­rie. L’industrie du potier vous serait plus instructive ; voyez les planches de Pic­colpassi». Cela nous amène à penser que l’adepte qui est à l’origine du poêle de Winterthur, produisit son chef-d’œuvre au sein d’une confrérie qui en avait réa­lisé bien d’autres…

L’auteur Johan Dreue

Henry Dunant préfacier du livre de Jean-jacques Bourcart :
qui est le véritable auteur de l »L’esquisse hermétique du Tout  Universel » ?
 

Ce diable d’homme avait plus d’un tour dans son sac mais souffrait de graves troubles de persécution suites à des revers de fortune imprescriptible et voyait ses créanciers partout. Tel Romain Gary bien plus tard il n’hésitait pas à faire endosser la paternité de ses ouvrages par d’autres personnes acquis à sa cause. Ainsi vers 1896 à la même époque que l’édition de l’Esquisse il n’hésite pas à demander à son ami Rudolf Müller d’assumer la paternité de sa monumentale « Histoire des origines de la Croix Rouge » (500 pages). Il lui demande de traduire ses cahiers en allemand. Ceux ci sont ensuite retraduits en français mais ainsi Henry Dunant dresse pour la postérité son propre portrait qui est tout à son avantage. Bien joué. L’ouvrage le propulsera d’ailleurs comme candidat potentiel pour le prochain prix Nobel de la Paix. Mission accomplit. Pour L’esquisse on se demande aussi pourquoi – si l’auteur était réellement Jean-Jacques Bourcart – pourquoi celui-ci ne le revendique pas  et se terre dans l’ombre car J-J Bourcart n’avait rien à perdre !… En revanche en agissant de la sorte Dunant a l’immense satisfaction de voir cet ouvrage dont il est et reste la principale plume gratifié d’une préface de Papus !..  encore une fois bien joué et pour s’assurer qu’il s’agit bien là de son ouvrage il en assure lui même la préface. Ironie. L’auteur se préface lui même mais c’est tout à fait dans l’esprit d’Henry Dunant. Un examen attentif, outre le style qui est celui du fondateur du CICR, montre que le supposé auteur – J-J Bourcart – n’aura assuré que la partie accessoire des « notes » dont l’intérêt est anecdotique et surtout son financement, de même qu’il finança la revue « L’Initiation » de Papus. Bourcart n’a pas inventé la poudre (ce sera Nobel en l’occurence) mais il est brave. Lors de la seconde édition de 1902 la préface d’Henry Dunant va curieusement disparaitre et ne restera de lui que ses initiales H.D et son nom anonyme de « Bienfaiteur de l’humanité », il est même ajouté que celui-ci souhaite rester incognito.  Nous en déduisons que suite à la préparation puis réception de son prix Nobel, celui-ci ne tient pas à ce que cet essai qui sent le souffre ne soit connu de ses admirateurs qui n’en comprendrait pas le sens profond. Papus reste le seul bénéficiaire de petit essai d’Henry Dunant qui disparait en 1910. Sans ce petit opuscule et les méandres de l’histoire tout un pan de la pensée théosophique de celui qui rêvera et anticipera d’autres « Tout » comme l’UNESCO ou la Société des Nations aurait disparu.  Il est donc plus que temps de rendre justice à ce géant de l’Humanité et dénoncer cette spoliation d’une œuvre fondamentale pour la compréhension des projets humanistes du Philanthrope et prophète. En résumé, Jean-Jacques Bourcart, pas plus qu’il ne fut « l’inventeur » du four alchimique de Winterthur, ne fut l’auteur de ce petit essai tout droit sorti des innombrables chantiers littéraires d’Henry Dunant. D’ailleurs nous lui faisons là un faux procès car J-J Bourcart n’a jamais revendiqué la paternité de cet essai, c’est la postérité qui s’en est chargé sans son consentement et comme nous le savons aujourd’hui : à tort ! Nous y reviendrons.

ps : la vie d’Henry Dunant est un véritable poème ! pour d’autres raisons il fut également en contact avec St Yves d’Alveydre avec lequel il partageait bien des points ou vues sur l’histoire et la destinée de l’humanité. Papus fut un trait d’union.

Les prophéties : le « Millenium » à suivre dans notre prochain article

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