Tracé du Tableau de Loge en Franc-maçonnerie et ses origines


Illustration ci-dessus, le plan du Temple sur les genoux de l’architecte mésopotamien

« David donna à son fils Salomon le plan du vestibule et de ses bâtiments, des magasins, des chambres hautes, des salles intérieures et de la pièce du propitiatoire… Tout cela est dans un écrit de la main de YHVH, qui m’a fait comprendre tous les travaux de ce plan ». I Chro. 28,11.19

Pourquoi trace-t-on le tableau de loge au tout début des travaux ?

pour rappeler aux apprentis les outils et leur rôle dans la construction de la loge ? rôle ayant valeur didactique et morale ? certes c’est vrai mais ce ne l’est que partiellement, le rôle du Tableau de loge étant ailleurs mais pour en comprendre la véritable signification il faut se rapporter aux sources de la Bible (Vétéro et Néotestamentaire) qui est le seul cadre dans lequel se meut le Franc-maçon et en dehors duquel le champ sémantique des symboles est caduc et insignifiant.

Tout d’abord Ezéchiel. 4,1 : « Toi, fils d’homme, prends pour toi une brique. Donne-la en face de toi et grave sur elle une ville : Yeroushalayîm (la ville des deux paix) ».
La brique sert dans cet exemple de support matériel au tracé symbolique du plan de Jérusalem, la « Ville des deux paix » (paix avec soi, et paix avec autrui). Cet usage remonte aux pratiques mésopotamiennes et on la retrouve avec les temples chaldéens (Daniel. 5,5.25). Lorsque les paroles de ces derniers versets furent adressées vers 593-592 au prêtre Ezéchiel, celui-ci se trouvait alors déporté en Mésopotamie (Ez. 1,3). Or l’ordre de tracer le plan de la ville de Jérusalem (Ez. 4,1) ainsi que celui du temple de Jérusalem (Ez. 43,10-12) semble être un emprunt à la culture mésopo­tamienne. Nous avons tous en mémoire l’exemple de la sculpture dénommée « l’architecte au plan » et repré­sentant Goudéa, le prince sumérien de Lagash (vers 2100 avant notre ère), tenant sur ses genoux le plan d’un temple qu’il avait fait cons­truire. Il semble donc qu’Ezéchiel reçut l’ordre de tracer le plan du temple de Jérusalem à travers cet exemple culturel offert par la culture mésopotamienne. Ez. 4,1 et Ez. 43,10-12 nous renseignent sur l’origine géographique probable (la Mésopotamie) de la tradition des diagrammes symboliques. Cette tradition millénaire resurgit en franc-maçonnerie au XVIII° siècle sous la forme des tableaux de loge et il serait important de savoir pourquoi et Qui en conçut l’usage car les pratiques compagnonniques ne comprenaient pas de tracé de tableaux mais faisaient usages simplement de marques lapidaires.

Genèse des diagrammes symboliques
Lorsqu’Ezéchiel reçut l’ordre de tracer le plan du temple de Jérusalem sous les yeux des israélites, il se trouvait alors lui-même en vision à l’intérieur de ce temple (Ez. 40). Or le fait qu’un diagramme tracé au sol représente le plan d’un temple n’est propre ni à la Mésopotamie ni à Israël et son usage est universel. On le le retrouve dans les yantras de l’hindouisme et dans les mandalas du bouddhisme tantrique. C’est pourquoi lorsque la Bible fit mention du diagramme d’Ézéchiel repré­sentant le temple de Jérusalem, elle ne rapportait pas seulement un fait particulier, elle faisait en outre mémoire d’un principe universel né dans la Mésopotamie de l’antiquité, principe selon lequel les diagram­mes symboliques furent issus de l’architecture symbolique, laquelle semble être née dans l’Égypte et dans la Mésopotamie d’il y a cinq mille ans, les diagrammes symboliques étant la simple reproduction, sur une surface plane, du plan du temple construit en trois dimensions.

En conclusion provisoire nous pouvons donc dire que le tableau de loge n’a de sens que pour rappeler le Temple de Salomon et sa destruction par les romains. Le rôle des Francs-maçons est de le rebâtir à la fois en esprit et en vérité. Mais si le temple de Salomon est à l’origine du tableau de loge (par ses deux colonnes et son escalier à Sept marches) c’est aussi parce qu’il incarne à son tour le plan divin tel que nous le voyons au travers du cosmos. Que doit-on retenir de ce plan divin sinon les principes qu’il incarne, principes que seule une philosophie de la nature peut nous aider à recouvrer en dehors de la Loi morale inscrite en nous et qui ne nécessite pas d’instruction particulière.

Le rôle de l’effacement du tableau
Ce rôle est tout aussi important que son tracé et voyons en les raisons … En premier lieu son effacement est là pour nous rappeler qu’ici bas tout est éphémère et que l’ordre constitué ne dure qu’un temps et qu’il peut être détruit in ictu oculi, c’est à dire en un clin d’œil. Au début de cet exposé nous avons vu la correspondance struc­turale entre le plan du temple de Salomon et la séquence du premier récit biblique de création du monde (les 7 marches). En conséquence dessiner le tableau de loge reproduit à notre échelle humaine un analogon du pouvoir du Créateur. Il résulte de la concordance symbo­lique entre le temple (représenté par le tableau de loge) et le premier récit biblique de création que l’effacement rituel du tableau de loge à la fin de chaque tenue symbolise ainsi le pouvoir toujours effectif du chaos et sa lutte constante avec l’ordre de l’univers. Tel Sisyphe poussant son rocher l’ordre est toujours à recréer et la tâche jamais achevée.

Hypothèse sur l’origine des tableaux de loge
Le plus ancien connu date de 1727 soit avec la nouvelle maçonnerie qui efface et remplace sine die l’ancienne maçonnerie. On a aucune trace de tableau loge avant et il convient de se s’interroger sur son apparition coïncidant avec la création hégémonique de la Grande Loge de Londres dominée par les newtoniens. Avant tout il ne faut pas confondre le tracé du tableau de loge qui est d’essence salomonique avec les différents tracés compagnonniques qui sont le plus souvent des marques ou des clés (recensées dans le travail de Franz Rziha). Ces clés sont une sorte d’alphabet initiatique mais rien de tout cela ici. Pourtant un homme qui se trouve à l’arrière plan de cette nouvelle maçonnerie a passé son temps à dessiner toutes sortes de diagrammes et d’ébauches de Temple : Sir Isaac Newton. On sait aussi que ce sont ses proches – et c’est peu dire pour certains – tel Théophile Désaguliers – qui furent les grands maitres de la nouvelle Grande loge; ce sont eux qui ont non seulement rédigé les constitutions mais aussi organisé les nouveaux rituels.
La plus ancienne mention d’un tableau de loge : la “Confession d’un franc-maçon, 1727”
C’est la publication, dans le numéro de mars 1755 du Scots magazine, d’un rituel écossais du Mot de maçon de 1727. On relève dans ce rituel une première mention du tracé, à la craie et sur le sol de la loge, des trois marches sur lesquelles l’apprenti accomplit en direction du maître de la loge ses trois pas rituels, les pieds en forme d’équerre, tout en saluant trois fois l’assemblée de la loge. Il s’agit là, comme l’indiquent les textes postérieurs, des marches extérieures du temple de Salomon (en 1696 l’Édimbourg situait la loge dans le porche du temple de Salomon) qu’il revient à l’apprenti de gravir les pieds en forme d’équerre en référence à la croix de Jésus de Nazareth dont il reproduit la passion avant sa mise en croix. Le rituel de la Confession d’un maçon présentait donc le tracé de ce qui deviendra plus tard le tableau de loge, ainsi que les trois pas rituels en forme d’équerre sur ce tracé, comme un véritable service liturgique qui montre que pour les maçons de cette époque le tracé symbolique au sol et le rite des trois pas en forme d’équerre qui l’accompagnait composaient ensemble une liturgie ana­logue et complémentaire au sacrement dominical de la dernière cène . Enfin le rituel de la Confession d’un maçon ajoute que le pavement quadrillé sert au maître maçon pour tracer dessus ses plans, le fameux plan tenu sur les genoux de l’architecte de Goudéa.
temple de salomon Newton

voir ici


Il reste néanmoins un cas à étudier, celui du tableau de loge de Kirkwall-Kilwinning, (Kirkwall est situé dans les îles Orcades et c’est le nom d’un territoire viking au large de l’Écosse en haute mer) nous allons l’aborder prochainement car il est exemplaire à plus d’un titre et soulève bien des questions.

La marque de l’Architecte Isaac Newton
De façon ironique le concepteur de la nouvelle maçonnerie a laissé comme il se doit sa marque et il l’a placé au cœur de l’un des symbole du deuxième degré, à savoir l’Étoile flamboyante avec le G de la gravitation universelle en son centre, c’était bien vu et cela a engendré une abondante littérature alors qu’il suffisait de se nettoyer les yeux (retirer la poutre) : ce G n’est pas si mystérieux et s’il est placé au centre de l’astre flamboyant c’est bien parce qu’il tient tout l’univers en équilibre et organise ses lois : bien sur il s’agit de la force universelle de la gravitation découverte par Newton. Le flamboiement est l’image de la roue stellaire autour de l’étoile polaire.

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