Parti en 1104 en compagnie de son suzerain Hugues de Champagne, le futur fondateur de l’Ordre du Temple rentrera en France pour s’y marier en 1105 avant d’y retourner définitivement en 1114 avec d’autres chevaliers, grâce à l’appui du Comte de Champagne. Ce n’est qu’en 1120 que ce premier groupe de chevaliers pris ses quartiers dans les écuries du Temple de Salomon. Entretemps les champenois avaient aussi ramené de nombreux documents pour qu’ils soient étudiés par les moines érudits entourant Saint Bernard de Clervaux. Évidemment ce que contenaient ces documents jetait le trouble – et c’est peu dire – sur les connaissances tenues pour acquises quand à l’origine de l’Église et la vie de son fondateur. Si grand, que l’institution de l’Église pouvait être mise en péril si ces éléments étaient portés à la connaissance des lettrés de l’époque et notamment de la curie. Mais remontons le cours du temps jusqu’en 2002. Deux découvertes archéologiques vont à la fois confirmer ce que les templiers avaient exhumés lors de leurs fouilles plus de mille ans auparavant, celle de Talpiot et celle plus récente de Silwan.
Depuis sa découverte accidentelle pendant des travaux de construction, le tombeau de Talpiot, du nom du quartier de Jérusalem où il a été mis au jour, est au cœur d’une polémique, à la fois archéologique et théologique. C’est en 1980 que des ouvriers ont découvert une chambre funéraire aux parois percées de niches mortuaires datant du second temple, période qui s’étend du milieu du VIe siècle av. J.-C. jusqu’au 1er siècle. Les fouilles ultérieures dans cette chambre funéraire, pillées dès l’antiquité, relèvent la présence de dix ossuaires, certains brisés, d’autres intacts. Les ossements qu’ils contiennent sont enterrés selon les rites juifs à la demande de rabbins orthodoxes tandis que les ossuaires rejoignent les collections archéologiques de l’Etat d’Israël.
Ce n’est qu’en 1994 que l’épigraphiste Levi Y. Rahmani procède au recensement des inscriptions qui figurent sur six des dix ossuaires de Talpiot. Il relève les noms de six personnes :
Yeshua bar Yehosef (Jésus fils de Joseph)
Maria (Marie)
Yose (Joseph)
Yehuda bar Yeshua (Judas fils de Jésus)
Maramene e Mara
Matya
Ce sont bien sûr les noms «Jésus fils de Joseph» et «Judas fils de Jésus» qui seront à l’origine de cet emballement autour du tombeau de Talpiot. D’autant que les similitudes entre les ossuaires de Maria (Marie) et Yose (Joseph) suggèrent qu’ils étaient mari et femme… Enfin, on relève le nom de Mariamnè, alias Marie-Madeleine dans un évangile apocryphe du IVe siècle. Des textes non canoniques suggèrent que Jésus et Maria-Madelaine étaient proches, voire très proches selon certains manuscrits non retenus par l’église…
Les dates concordent aussi : en 1996, l’archéologue Amos Kloner a estimé que la tombe avait servi jusqu’en 70 ap. J.C., date de l’expulsion des juifs de Jérusalem par les Romains.
«Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus»
En parallèle à cette controverse sur le tombeau de Talpiot, un autre vestige archéologique a suscité une polémique encore plus féroce puisque qu’elle a débouché sur un procès de 7 ans. Il s’agit de l’ossuaire de Silwan, une urne funéraire du 1er siècle après J.C. appartenant à Oden Golan, un ingénieur israélien, collectionneur renommé d’antiquités. En octobre 2002, l’épigraphiste français André Lemaire s’est penché sur les inscriptions en araméen figurant sur l’ossuaire. Et ce qu’il a traduit a eu l’effet d’une bombe: « « Ya’akiv bar Yosef akhui di Yeshua » ce qui signifie « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus ».
Mais qui était ce Jacques, le « frère de Jésus » ? Et pourquoi est-il si important de le connaître pour comprendre la famille et le mouvement primitif de Jésus, lequel est devenu par la suite le christianisme ?
Comme nous le verrons, Jacques a joué un rôle très important. En fait, si quelqu’un avait demandé aux membres de l’Église du premier siècle qui étaient leurs principaux leaders, ils auraient probablement mentionné trois ou quatre noms : Pierre, Jean, Paul et Jacques, le frère de Jésus. En fait, ils auraient probablement mentionné Jacques en premier.
Cependant en se développant et en devenant la principale religion de l’Empire romain et éventuellement du monde occidental, le christianisme a été connu comme étant essentiellement l’Église de Pierre et de Paul. L’ossuaire ramène à l’avant-plan l’Église de Jérusalem, centrée sur la personne de Jacques et de la famille de Jésus, un regroupement beaucoup plus près de la tradition juive que les autres communautés chrétiennes qui se formaient à Rome et partout ailleurs dans l’Empire (le mot église provient du grec ekklesia, qui signifie simplement « assemblée » et il est apparenté au mot synagogue ou « synagogue ».) Malheureusement, l’Église de Jérusalem a vu son influence s’amoindrir considérablement avec la violente répression de la révolte des Juifs par les Romains à partir de la moitié du premier siècle.
L’ossuaire nous incite à découvrir l’histoire et la forme authentique du christianisme primitif, lesquelles ont été occultées en grande partie, mais qui sont sans doute étroitement liées à la personne et au mouvement religieux de Jésus.
Jacques – Jacob
Qui était Jacques ? Il ne s’appelait pas Jacques, mais Ya’akov en hébreu, qui se traduit en anglais par Jacob. En fait, toutes les personnes du Nouveau Testament auxquelles on a donné le nom de Jacques s’appelaient Jacob. Le nom grec Jacobus a été traduit en latin par Jacomus. Quand ce nom latin a été traduit en espagnol, la forme Jaime a été employée. Les premiers traducteurs anglais se sont souvent basés sur lus formes des noms latins ou d’autres langues européennes. Les traducteurs sont reconnus pour être conservateurs, et puisque dans la Version du roi James en 1611 le nom a été traduit par James, il est resté tel quel depuis ce temps dans les traductions anglaises.
Mais le nom original, Jacob, est important. Dans la généalogie de Jésus établie au début de l’Évangile de Matthieu il n’est fait mention que de deux Jacob ou Jacques : le patriarche (1.2 petit-fils d’Abraham, fils d’Isaac, père des douze tribus d’Israël) et le grand-père de Jacques (1.16 — « Jacob engendra Joseph l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle le Christ. ») Il est clair que la famille de « Jacques » était fière de son héritage patriarcal juif et qu’elle avait donné à son fils le nom de son grand-père nom qui était aussi celui d’une des grandes figures de la Genèse.
Or, dans les Évangiles, plusieurs personnes portent le nom de Jacques. Il y a Jacques le fils de Zébédée, frère de l’apôtre Jean ; Jacques le fils d’Alphée, un autre disciple Jacques, le père de Judas et de Thaddée et aussi le père de deux disciples de Jésus ; et puis il y a Jacques qui est appelé le frère du Seigneur. Ils sont tous mentionnés dans les textes évangéliques. Comment pouvons-nous les différencier alors qu’il n’y avait pas de nom de famille à cette époque ?
La réponse apparait clairement lorsqu’on consulte la liste mentionnée précédemment. Tout comme nous, les gens du premier siècle se devaient de distinguer les personnes portant un nom semblable. Ils utilisaient quatre moyens différents pour le faire : les patronymes (la phrase « fils de… » suivie du prénom du père : « Jacques, fils de Joseph ») ; les surnoms (Pierre est appelé Céphas, l’équivalent de « Rocky » ou « Roc » une épithète descriptive (« le petit ») ; ou encore la désignation géographique du lieu de naissance (« de Nazareth »). Heureusement, il existe suffisamment d’indices de ce genre dans les Évangiles pour nous permettre généralement d’identifier les acteurs sans avoir le programme de la pièce’
Historiquement, la distinction entre le Jacques/Jacob que nous étudions et les autres personnes portant le même nom a été faite de trois façons différentes : 1) il est appelé le frère du Seigneur (par l’apôtre Paul dans l’épître aux Galates 1.19) ; 2) il est appelé Jacques le Juste (dans l’Évangile de Thomas, lequel n’est pas conforme aux canons de l’Église, dans les écrits d’Eusèbe et ailleurs) ; et 3) maintenant, nous avons l’inscription de l’ossuaire qui l’identifie comme étant le fils de Joseph et le frère de Jésus. L’association de Jacques avec Joseph, son père, est implicite mais néanmoins claire dans le verset de Matthieu 13.55 (où les villageois s’interrogent au sujet de Jésus : « Celui-là n’est-il pas le fils du charpentier… N’a-t-il pas pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? ») ; chaque fois que sont mentionnés les noms des frères et sœurs de Jésus, le nom de Jacques vient toujours au premier rang (voir aussi Marc 6.3, Matthieu 27.56`).
De fait, il n’y avait qu’un seul Jacques qui pouvait être appelé Jacques de façon courante, sans qu’il y ait ambiguïté et sans que le locuteur soit obligé de fournir des explications supplémentaires : c’était Jacques, le frère de Jésus. Ainsi, le Jacques auquel nous faisons référence est désigné par son nom dans les Évangiles de Matthieu et de Marc, dans les Actes des Apôtres, les épîtres aux Corinthiens I et aux Galates, ainsi que les épîtres de Jacques et de Jude.
Même si Jacques était le frère de Jésus, il n’était probablement pas un de ses disciples du vivant de Jésus. Dans l’Évangile de Jean 7, nous lisons :
Or la fête juive des Tentes était proche. Ses frères [de Jésus] lui dirent donc : « Passe d’ici en Judée, que tes disciples aussi voient les œuvres que tu fais : on n’agit pas en secret, quand on veut être en vue. Puisque tu fais ces choses-là, manifeste-toi au monde. » (Pas même ses frères en effet ne croyaient en lui) (Jean 7.2-5).
Ici, il est assez clair que les frères de Jésus ne croyaient pas en lui pleinement et qu’ils ne le suivaient pas dans ses déplacements avant sa mort. à suivre …