Milosz de Lubicz et les nouveaux hiérophantes d’Hélie


O.W Milosz de Lubicz
O.W Milosz de Lubicz

Milosz de Lubicz occupe une place centrale dans la genèse des Frères Chevaliers d’Héliopolis. Par bien des aspects il est en lien  avec l’Adepte, que ce soit par sa pièce de théâtre qui met en scène Miguel de Mañara, que ce soit par sa passation de pouvoir et son nom à Schwaller de Lubicz, son rôle dans le cercle éphémères des veilleurs ou celui d’Hélie .. on le voit sa chevalerie mystique est très proche sinon la forme matricielle de celle des FCH.

Oscar Vladislas de Lubicz Milosz naît en « Lituanie historique », aujourd’hui la Biélorussie, territoire qui avait autrefois fait partie du Grand-duché de Lituanie. À onze ans, il arrive à Paris, interne au Lycée Janson-de-Sailly. Il poursuivra ses études à l’École du Louvre et adoptera le français comme langue d’écriture. Ses premiers poèmes paraissent en 1899. Désormais, il ne cessera plus d’écrire : poésie, roman, théâtre, traductions, essais politiques et métaphysiques. « Milosz, c’est le plus beau cadeau que l’Europe ait fait à la France », dira le poète français Paul Fort.

En 1914, il perd la fortune héritée de son père, noble polonais, et est mobilisé dans les divisions russes de l’armée française.

En 1919, Milosz devient le premier représentant à Paris de la Lituanie ayant retrouvé son indépendance. Venez, je vous conduirai en esprit vers une contrée étrange, vaporeuse, voilée, murmurante… C’est Lietuva, la Lituanie, la terre de Gedymin et Jagellon. Conférence ou poème ? Les diplomates de l’Entre-deux-guerres avaient vite remarqué ces rapports de la Délégation lituanienne, rédigés dans un français remarquable !

Ruiné par la révolution russe de 1917, Milosz travaillera à la Légation de Lituanie. Il apprend le lituanien, transcrit les contes et daïnos (poésie ou chanson populaire des pays baltes), se passionne pour la culture de son pays et se dépense sans compter pour le faire connaître. Tout en assumant une carrière épuisante de diplomate, il poursuit ses recherches métaphysiques et déchiffre la Bible au moyen de la Kabbale.

En 1928, il est fait Grand-officier de l’ordre du Grand-duc Gediminas. Dans les années 1930, il découvre Fontainebleau et ses jardins. C’est là qu’il accueillera, durant l’été 1931, son petit-cousin Czeslaw Milosz, futur Prix Nobel de littérature en 1980, qui dira de lui : Il a littéralement changé ma vie en me forçant à chercher une réponse aux questions que soulève sa méditation entourée de mystère, ce qui, pour lui, était l’essence même de la poésie.

En 1931, il reçoit la Légion d’honneur, des mains de Philippe Berthelot. En mai de cette même année, il prend la nationalité française. En 1938, il acquiert une modeste maison à Fontainebleau, non loin du parc où il apprivoisait les oiseaux en leur sifflant un air de Wagner. Il meurt brutalement le 2 mars 1939 et repose au cimetière de Fontainebleau.

Extrait du « en Héliopolis avec Fulcanelli, le théâtre d’ombres » :

… Paul Léautaud, après une citation empruntée à quelque quotidien ou périodique de l’époque, fit une courte réflexion, de très réelle sensibilité, en caractères italiques, laquelle, chez un tel homme, surprend et persuade :
« Un détail : il avait installé pour les oiseaux des mangeoires dans la forêt de Fontainebleau et il allait voir régulièrement ses frères ailés. Dès que ceux-ci l’entendaient siffler le grand air wagnérien au moyen duquel Siegfried déloge de sa tanière l’épouvantable Fafner, ils arrivaient en nuée, l’entourant et lui répondant par des louanges formulées en divers langages.
Cela, fait image, une image merveilleuse, comme celle d’un enchanteur. »

Il ajoute encore : « A la page du vendredi 18 octobre 1924, dans mon journal, je n’ai pas noté que le poète Milosz eût assisté aux obsèques, à la fois nationales et populaires d’Anatole France. » Preuve des liens unissant le vieil ami de Fulcanelli à Milosz.

Si Eugène Canseliet éprouva le besoin de mentionner le nom du poète Lithuanien, ce fut sans doute en raison des relations de celui-ci avec certains salons et un cercle, en particulier : celui des Veilleurs. Les lecteurs désireux d’approfondir la biographie de Milosz pourront se procurer l’excellent livre que lui a consacré Alexandra Charbonnier : Milosz, l’étoile au front. On remarquera le sous-titre qui demeure inséparable de la vie et de l’œuvre de Raymond Roussel.

Né le 28 mai 1877, en Lituanie, Milosz baigna très jeune dans la Tradition. Les poésies, les comptines et les contes populaires bercèrent son enfance. Sa famille, selon une légende familiale, s’enracinait dans la chevalerie. Ses ancêtres descendaient d’une dynastie sorabe, les rois de Lusace. Le nom de Lubicz est incertain et se justifierait par une bataille livrée contre les Prussiens dans un lieu nommé Lubicz, il pourrait s’agir du nom d’un fleuve. La description des armoiries du clan Lubicz est la suivante:
« … sur champ d’azur, l’écusson porte un fer à cheval renversé, les crochets en bas, au milieu duquel il y a une croix de chevalerie et une autre croix pareille sur le dos du fer à cheval. Le casque est surmonté d’une couronne de noblesse ornée de trois plumes d’autruche. »

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Blason de Milosz de Lubicz

Pour une analyse symbolique plus approfondie de ces armoiries, le lecteur intéressé par ce point pourra se reporter au livre précité de Charbonnier ainsi qu’à celui de Gérard de Sorval : Le Langage secret du blason. Toutefois, il est intéressant de savoir que la plume d’autruche blanche est l’attribut de la déesse égyptienne Maât, divinité de la Justice et de la Vérité. Dans la tradition chrétienne, et concernant la chevalerie, cet emblème est l’image du Soleil de Justice: le Christ dans sa fonction royale. Il existe un rapport entre le fer à cheval et l’autruche car l’ancien cimier des ducs de Bourgogne était une autruche tenant en son bec un fer à cheval. Les bestiaires anciens attribuaient à l’autruche l’habitude d’avaler et de digérer des morceaux de fer. Se nourrir de fer (métal de Mars), outre sa signification purement guerrière et chevaleresque, possède des résonances alchimiques. Le cheval est un symbole important et Charbonneau-Lassay, en 1926, dans la revue Regnabit, faisait remarquer le caractère talismanique des fers de chevaux, notamment en Tunisie et au Maroc, procédant du culte lunaire. L’ex-libris de Milosz, quant à lui, est constitué du blason de sa famille, à ceci près que le fer à cheval est accompagné d’une forme lunaire, placée sous lui. En outre, Milosz attribuait une extrême importance au cheval blanc entrant dans la composition des armoiries de la Lituanie. Ce fameux cheval blanc n’est aucunement la représentation d’une, ou de plusieurs fonctions, de la planète Vénus. Les ancêtres et le père de Milosz s’étaient vivement intéressés à l’Alchimie et le poète se disait Alchimiste par hérédité.

Sur la fin de son existence; Milosz fut particulièrement absorbé par des travaux d’exégèse relatifs à l’Apocalypse de Jean. Il est indubitable que Milosz savait à quoi s’en tenir concernant le symbolisme alchimique du cheval si l’on se réfère à cet extrait des Origines de la nation lithuanienne : « Les héraldistes se sont quelquefois demandé si le Cavalier et le Cheval Blanc de l’emblème national lithuanien n’avaient pas pour origine un de ces innombrables emprunts faits par la science du blason à la symbolique hermétique du Moyen Age. Le fond pourpre de la bannière sur laquelle le Chevalier lithuanien, le Vytis, est représenté, nous donne bien une image alchimique du passage du blanc au rouge. La source première des armoiries lithuaniennes prend naissance dans le domaine de la tradition ibère préhistorique. En effet le Cheval blanc fait partie du folklore de la Bretagne, la Vendée et l’Auvergne préceltiques. (…) Si singulier que cela puisse paraître, le Cheval et le Cavalier blanc de l’Apocalypse se rattachent à la même tradition. » Extrait

LA CONFRERIE DES FRERES D’HELIE

Quelles sont les idées fondamentales de la Confrérie ? Une plaquette à usage interne est publiée sous le titre de « Nécessité » Elle est signée Ahor Mahmot Ahliah, (le pseudonyme de René Schwaller) et permet une approche de l’Ordre.. A défaut d’autres documents concernant les Frères d’Élie. Nous la résumons dans ces quelques lignes avec des extraits :

Chaque époque, chaque race est soumise à un cycle. L’utilité est devenue la base de notre société, car la conscience humaine a dévié de la « réelle et inexorable Nécessité » à la nécessité factice qu’elle a nommé utilité. La Loi (la vraie Nécessité, suivant Aor =Schwaller de Lubicz), a pris des noms successifs : Bien, Mal qui semblent pour lui l’accomplissement cyclique d’un monde. « L’utilité », fiction inventée par l’homme pour masquer son avidité, amène une chute de la qualité. Chacun des actes sera donc un mensonge. L’homme a perdu le vrai sens des valeurs. Mais il y a en toi « Celui qui est ce qu’il est », véritable Toi-même et que tu dissimules. Aor parle à « celui qui Est », car il est le frère de l’Ordre mystique de la résurrection.

Il est ce qu’est le Principe à l’intelligence de l’Homme : naissance, vie, mort, survie, renaissance, résurrection – rose-croix, ou croix dans la rose – c’est-à-dire, toujours : création, précréation, transmutation et confondement. Son nom est maintenant Résurrection
C’est-à-dire : descente vivante de l’Éternel dans le relatif du corps dans l’Esprit; L’Ordre Mystique d’Élie n’a pas de but :
– il est nécessairement, par le principe même de résurrection qui lie l’Être réel à tout homme, à la Réalité où tous se joignent.
– L’Ordre d’Elie est (…) Changement. Évolution. Nécessité ; Raison d’être de l’Ordre mystique (…) « L’Ordre est au-delà de la Raison »
Tel est l’enseignement de l’Ordre d’Élie.
Quiconque est conscient de la nécessité de cc Temps. Quiconque, pour s’y adapter sait s’affranchir de la routine, de la fausse honte et de la peur – matérialiser l’Esprit pour l’affirmation du seul réel, est « Frère de l’Ordre d’Élie ».
Que les Frères d’Élie viennent, ils se feront connaître par leurs œuvres, qu’ils appelleront « de résurrection ».

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En choisissant cette référence, la Confrérie fait allusion au Prophète Élie, maître de la rosée et de la résurrection, qui fut aussi enlevé par le Chat d’Israël et sa cavalerie, et put laisser à son disciple Élisée « une double portion de son esprit » (2 Rois 2). Celui qui est illuminé par l’Esprit de Dieu est dans la lignée d’Elie. Fulcanelli, dans Les Demeures Philosophales, fait ce parallèle :
« De même l’ouvrier, fidèle serviteur de la nature, acquiert, avec la connaissance sublime, le haut titre de chevalier, l’estime de ses pairs. la reconnaissance de ses frères et l’honneur, plus enviable que toute la gloire mondaine, de figurer parmi les disciples d’Élie ».
Le prophète Élie est lié à la mystique juive. S’il est le maître de la rosée, il doit être celui de l’alchimie spirituelle. Le cœur du groupe comprendra donc des alchimistes avoués tels que Celli, Larronde. Schwaller, Alvart qui sont considérés comme des opératifs ayant travaillé « au fourneau ». Milosz pratiquait une alchimie spirituelle, « la divine chimie », comme il l’appelait. Le groupe des Frères d’Élie s’est constitué en une chevalerie mystique où l’on reçoit et applique un enseignement gnostique, en vue d’édifier une nouvelle élite. E. Canseliet, dans ses Alchimiques Mémoires, écrit que :
« C’est l’Alchimie qui est la base de l’Aristocratie lorsque le monde, après la grande catastrophe, repart avec un petit noyau d’élites » …

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Le théâtre d’ombres vous fait découvrir une galerie de plus de 100 personnes ayant gravité autour de l’Adepte…

A propos de la baronne de Brimont qui était une amie proche de Milosz, Canseliet écrivait  :

« Je conserve en mémoire la vision des instants où il vint avenue Montaigne, en compagnie de la baronne Renée de Brimont qui s’intéressait aux travaux ésotériques du poète. La beauté de cette personne, sa charmante féminité, étaient exceptionnelles, de sorte qu’il m’arriva d’entendre qu’elle était la femme qui offrait le plus d’attrait au sein du gotha parisien.

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La baronne Renée de Brimont

Si de Lubicz crut alors qu’il avait découvert, sur le plan de l’esprit, l’épouse qu’il avait tant recherchée, tout au moins avait-il trouvé celle qui s’appliqua à faire connaître son oeuvre poétique. Ainsi écrivit-il à l’intention de cette Dame du grand monde:

« Mais aujourd’hui une compagne de service chemine dans mon ombre, à moi fils du Cosmopolite errant. » Oscar-Wadislas de Lubicz eut-il connaissance de la langue des oiseaux?

Ce qui est sûr, c’est qu’il aimait le monde naturellement ailé; tellement, qu’il l’allait alimenter à Fontainebleau, et qu’il y acquit même une modeste maisonnette, afin d’y installer un nourrissoir. »

La baronne Renée de Brimont (alias Renée de Prat sous son autre nom de plume) était reçue chez les Lesseps avec Fulcanelli : « Une partie de la carrière diplomatique de Ferdinand se déroula à Madrid sous les auspices de Lamartine. Ce qui explique que la petite nièce du poète, la baronne Renée de Brimont, eut ses entrées dans ce milieu, tant pour ses origines que pour ses talents littéraires ». La biographe de Milosz, Alexandra Charbonnier affirme même, s’agissant de la pensée de Milosz, que son égérie l’a pénétrée au point de la faire sienne dans son essai sur Milosz et le mystère de l’Etoile du Matin (Fontaine, 1942). Elle « le commente au moyen de la linguistique comparée. En cela elle suit les méthodes de son ami. »
Elle avait affirmé « Tout ici bas n’est que métamorphose. La Création, pour Milosz, n’avait qu’un but: sensibiliser et affiner la conscience humaine; changer, transmuer l’homme terrestre, le rendre à « la première Nature », à l’Etoile du Matin, à la Terre édénique. »


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