En 1963, M. Gimbutas entre à l’UCLA. Dans les années suivantes débute une campagne de fouilles en Europe du Sud-Est (Yougoslavie, Grèce, Italie), fouilles qui vont se prolonger une quinzaine d’années et l’orienter vers une nouvelle direction de recherche. Parmi les vestiges sortis de terre, M. Gimbutas remarque que de nombreuses poteries ont des formes féminines. Certaines arborent des signes géométriques – formes en V, en M, zigzags. On retrouve d’ailleurs ces signes sur des céramiques en forme d’oiseau.
Plus elle fouille, plus s’accumulent des traces, des traces trop fréquentes pour être négligées, ce que font pourtant la plupart de ses collègues : « L’ensemble des matériaux disponibles pour l’étude des symboles de la vieille Europe est aussi vaste que la négligence dont cette étude a fait l’objet. » Une nouvelle hypothèse émerge. Et si les figures féminines étaient des déesses ? Et les signes et figures géométriques qui les accompagnent des représentations symboliques de ces déesses (comme la croix remplace Jésus dans la symbolique chrétienne) ? Dans cette hypothèse, l’abondance des vestiges attesterait bien de la présence d’une forte présence féminine aux côtés des dieux masculins.
La grande déesse pouvait être assimilée à un oiseau (tête avec bec en triangle) d’où ces représentations qui ont pu amené aux extravgantes interprétations d’extra-terrestre pour ceux qui ont une imagination débordante.
En 1974, M. Gimbutas publie un premier livre titré Déesses et dieux de la vieille Europe. Dans ce premier livre, elle soutient qu’un culte de trois déesses féminines était présent dans le Sud-Est de l’Europe. Par la suite, elle étendra son hypothèse à toute l’Europe et fusionnera les figures féminines en une seule et même déesse. Dans les années qui suivent, et jusqu’à sa mort en 1994, M. Gimbutas ne cessera de poursuivre cette piste. Le Langage de la déesse est en quelque sorte l’aboutissement et la synthèse de ses recherches sur la déesse de la préhistoire.
Au commencement étaient les déesses
avant Sumer, il y eut encore d’autres civilisations. Cette civilisation gynécocratique pratiquait le culte de la grande déesse et se situait autour du Danube jusqu’en Ukraine à la frontière du Dniepr. On la appelée la culture de Vinca. Marijita Gimbutas a démontré que ce foyer était hautement avancé sur tous les plans, a ensuite migré vers l’Europe sous l’avancée des Indo européeens. Il s’agit donc des Proto-indo-européeens (PIE) avant l’arrivée des « kourganes ». Cette société européenne primitive était de type matriarcal, et s’articulait autour du culte d’une Grande déesse mère, elle fut au final supplantée à l’Age du Bronze par la nouvelle culture andocratique et patriarcal des kourganes qui amenèrent avec eux le cheval et la hiérarchie guerrière (Dumézil).
Aire de la culture dite de Vinca en Serbie
La « vieille Europe » est définie comme la région s’étendant de l’Italie méridionale à l’ouest, au littoral de la Turquie à l’est, Crète et Malte dans le sud et la Tchécoslovaquie, la Pologne méridionale et l’Ukraine occidentale dans le nord. Ce terme fait référence au nom d’une civilisation européenne autochtone, ayant existé de 7000 à 3500 avant JC. Son apogée date de 5000 avant JC, mais dès le 6ème millénaire, ce peuple utilise des navires. Il utilise le cuivre et l’or pour des ornements ainsi que des outils et semble même avoir conçu une écriture rudimentaire.
De fait, nous notons immédiatement que ces statues doivent, en effet, représenter ici les déités de cette culture antique. En outre, nous notons que l’identification de ces statues serait en relation avec la « culture de Vinca ». La culture de Vinca était une culture précoce de l’Europe (entre le 6ème et le 3ème millénaire avant JC), s’étendant le long de Danube en Roumanie, en Serbie, en Bulgarie et dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine, bien que des traces puissent être trouvées également tout autour des Balkans. Elle doit son nom de Vinca qui est une banlieue de Belgrade, où en 1908, plusieurs objets façonnés ont été trouvés lors des premières fouilles archéologiques de l’équipe de Miloje M. Vasi. Après la première guerre mondiale, les fouilles ont été reprises depuis 1924. Vinca a retenu l’attention de la société archéologique européenne entre 1929 et 1931.
Selon Gimbutas, ce style d’antiques statues européennes montre un changement de culture. On y trouve notamment un désir que les statues soient habillées, non seulement avec un masque, mais également par des vêtures. Considérant que les statues étaient dénudées, le changement remarquable qui s’est produit en Europe, durant cette période, fut que quelques statues soient montrées habillées.
Le dispositif le plus frappant des statues est le masque ou casque. Pour citer Gimbutas : « l’artiste du Vinca a attaché un intérêt particulier pour le masque. Ce sont les aspects distinctifs et peu communs de ses masques sculpturaux qui rendent si unique la statuaire de Vinca. »
La statue en forme de cheminée est souvent interprétée comme une description de la déesse d’oiseau. Certaines ont été trouvées fixées au toit de certains types de tombeau. Ce sont les types de tombeaux de petite taille. La cheminée est typique, comme celle trouvée par exemple dans le monticule néolithique de Porodin près de Bitola. Elle est normalement décorée d’une déesse avec un bec, de larges yeux et décorée d’un collier. La divinité était censée étendre sa « protection » au-dessus du toit du tombeau, en conformité parfaite avec les descriptions égyptiennes postérieures d’une déité femelle – ange – étendant son aile en signe de protection.
Historique de la découverte de Vinca
C’est dans les années 60 que l’intérêt pour ce site se réveille, en grande partie grâce à une nouvelle découverte faite en 1961 par le Dr N. Vlassa, lors de la fouille d’un site transylvanien de Tartarie, qui fait partie de la culture de Vinča. Parmi les diverses artefacts récupérés trois tablettes d’argile, qu’il a analysé avec le radiocarbone alors nouvellement introduit. Les artefacts furent datés d’environ 4000 avant JC ! Aussitôt les détracteurs de la nouvelle méthodologie firent valoir qu’une pareille date était de toute évidence erronée. Comment cela était-il possible !
Traditionnellement, le site sumérien d’Uruk est daté de 3500-3200 av. JC. Vlassa avait initialement (avant les résultats de la datation au carbone) confirmé que la » Culture Vinča » avait de fortes similitudes avec Sumer. Tout le monde a convenu que les Sumériens avaient influencé la culture de Vinča (et le site de Tartarie), qui s’était donc vu attribué une date entre 2900-2600 av JC ( la traditionnelle méthode comparative, qui s’appuie sur la logique des archéologues, plutôt que sur des preuves scientifiques solides). Sinclair Hood a suggéré que des prospecteurs sumériens s’étaient établis à proximité des dépôts aurifères dans la région de Transylvanie, entrainant cette cultures « fille ».
Mais si les résultats de la datation au carbone sont corrects, puisque Tartaria date de 4000 avant JC, cela signifie que la culture de Vinča est plus ancienne que Sumer, ou que Sumer avait au moins un millénaire de plus que ce que les archéologues avaient jusqu’à présent pensé. Quoi qu’il en soit, l’archéologie était dans un état complet de désarroi. Voila la raison qui fit que la datation au carbone 14 fut attaqué, plutôt que de simplement réviser les chronologies .
Pourtant il n’y a pas de doute à ce sujet : les objets de la culture de Vinča et Sumer sont très semblables. Et il n‘y a pas que simplement la poterie et des objets : ils partagent une écriture qui paraît identique. En fait, le peu d’intérêt qu’avait suscité la culture de Vinča avant les années 60 vient de leur écriture. La découverte de Vlassa semblaient seulement confirmer cette conclusion, que, lui aussi, a immédiatement faite : l’écriture devait être influencée par le Proche-Orient. Tout le monde, y compris Sinclair Hood et Adam Falkenstein, convenaient que les deux écritures étaient liées et Hood a également vu un lien avec la Crète. Enfin, l’érudit hongrois János Makkay a déclaré que l’origine mésopotamienne des pictogrammes Tartaria ne fait aucun doute.
Mais de là à pouvoir affirmer que la culture de Vinča a précédé Sumer, cette thèse ne pouvait être maintenue car ce serait briser le cadre archéologique, en grande partie mis en place par Childe et l’archéologie officielle. Donc, à ce jour la théorie officielle est que les deux écritures se sont développées indépendamment. Bien sûr, nous devrions nous demander s’il s’agit simplement d’une autre tentative pour sauver des réputations et si dans les décennies qui viennent la position sera finalement renversée, ce qui voudrait dire que la culture de Vinča est effectivement à l’origine de la civilisation sumérienne…
Vinča
Mais quelle est cette culture de Vinča? En 1908, le plus grand habitat préhistorique et le plus complètement excavé du néolithique en Europe a été découvert dans le village de Vinča, à seulement 14 km en aval de la capitale serbe, Belgrade, sur les rives du Danube. La découverte a été faite par une équipe dirigée par M. Miloje Vasic, le premier archéologue scolarisé en Serbie.
Vinča a été fouillé entre 1918 et 1934 et elle s’est révélée être une civilisation à part entière : une civilisation oubliée, que Marija Gimbutas appellera plus tard «vieille Europe». En effet, dès le 6e millénaire avant JC, trois millénaires avant l ‘Egypte dynastique, la culture de Vinča était déjà une civilisation authentique. Oui, c’était une civilisation: une ville typique composée de maisons avec des plans architecturaux complexes et plusieurs chambres, construites en bois puis couvertes de boue. Les maisons s’étendent le long des rues, faisant ainsi de Vinča la première installation urbaine en Europe, mais également plus ancienne que les villes de la Mésopotamie et d’Egypte. Et la ville de Vinča elle-même n’était que l’une des métropoles, il y en a d’autres à Divostin, Potporanj, Selevac, Pločnik et Predionica. Maria Gimbutas a conclu qu’ «au cours du 5ème millénaire et jusqu’au début du 4ème millénaire avant JC, juste avant sa disparition en Europe centrale et orientale, les Anciens Européens avaient des villes avec une forte concentration de population, des temples à plusieurs étages, une écriture sacrée, des maisons spacieuses de quatre ou cinq pièces, des céramistes professionnels, des tisserands, des métallurgistes du cuivre et de l’or, et d’autres artisans produisant une gamme de produits sophistiqués. Un réseau de routes commerciales florissantes existait pour que les articles tels que l’obsidienne, coquillages, de marbre, le cuivre et le sel soient distribués sur des centaines de kilomètres. »