Le professeur Eugène Susini s’est particulièrement intéressé à ce comte Vernetti de Vaucrose dans les papiers duquel il espérait trouver des lettres de Franz von Baader avec qui il a correspondu. Voici ce qu’il écrit à son sujet : « Parmi les théosophes et illuminés plus ou moins obscurs que nous rencontrons à propos de Baader, celui-ci est à coup sûr celui qu’enveloppe le plus grand mystère. Différentes études citent son nom en rapport avec des théosophes et des mystiques plus connus, mais les détails manquent et non seulement nous ne connaissons de lui aucun document écrit en dehors de quelques fragments de lettres, mais nous n’avons même sur sa personne aucun renseignement précis. »
On sait tout de même que le chevalier, marquis et comte de Vaucrose est né en 1758 et qu’il est décédé en Suisse, le 22 octobre 1834, âgé de 76 ans. Grâce à la correspondance entre Herbort et Meyer repertoriée par le professeur Jacques Fabry, on en apprend un peu plus sur lui. Bien entendu, il ne reste rien de la correspondance entre Herbort et Vaucrose, puisque les papiers de l’un comme de l’autre demeurent introuvables. Rappelons tout d’abord que Vaucrose est connu et cité par plusieurs auteurs pour avoir offert aux Illuminés d’Avignon et à leur chef Dom Pernéty l’hospitalité dans son domaine situé près de Bédarrides. Plus exactement, c’est dans une maison située sur une colline baptisée par Pernéty Mont-Thabor, à quelques kilomètres de la propriété appelée encore aujourd’hui Grand et Petit Vaucrose que se réunissaient le maitre et ses disciples. Selon Marc de Vissac, Vaucrose avait un esprit primesautier et très malléable, une nature inflammable et qui s’emballait vite. Herbort confirmera, en d’autres termes, ce jugement.
Les deux hommes font connaissance à l’été 1817. Ils resteront liés jusqu’au décès de Herbort et se verront au moins une fois l’an. C’est que Vaucrose, véritable « commis-voyageur de l’Illuminisme », pour reprendre l’excellente formule utilisée par A. Viatte à propos de Divonne, se déplace beaucoup, et à travers toute l’Europe. Il a même littéralement la bougeotte. Herbort relate à Meyer sa première rencontre avec l’Avignonnais :
« Il m’a été adressé depuis un Chevalier de Vaucrose, d’Avignon,ancien officier de cavalerie, comme un frère (maçon) aux dispositions authentiques envers la religion; il a le sentiment que la nation française ne pourra pas continuer longtemps sur ce pied-là, qu’elle est complètement corrompue, que la foule manifeste une très forte propension à vouloir fondre à nouveau sur d’autres pays, sous la conduite de Napoléon ou d’un autre meneur du même style, pour pouvoir continuer à vivre en pillant comme elle l’a déjà fait. »
Un jugement politique assez outré, on le voit, qui correspond bien au caractère du personnage. Dans la même lettre, une autre précision a son importance:
« Ce chevalier de Vaucrose a été l’ami intime de Saint-Martin et il lui succède dans la traduction de J. Böhme en assurant celle du Mysterium Magnum.«