Fulcanelli, Dampierre sur Boutonne et Monsieur Depaul


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Saint Vincent Depaul, sans doute l’un des hommes les plus puissants du Royaume au point que le Cardinal  Mazarin le fit espionner pour sa propre sécurité !… mais il fut largement récompensé en retour de sa discrétion en faveur du fondateur de la Congrégation .

Dans un préambule assez long et très détaillé, l’adepte nous livre aussi une facette de son identité séculière. Il fait état en effet de ses doutes et interrogations quand à la réelle identité du concepteur de ce joyau hermétique que sont les 91 caissons de la galerie haute du Château de Dampierre sur Boutonne. A son accoutumé il nous laisse aussi des traces non négligeables et fait état – mais pourquoi ?, de la qualité de « colonel des grisons » ou plus exactement « colonel général des 100 Suisses et Grisons » des membres mâles de la famille, l’une des plus titrée et des plus noble de France, je veux parler des Gondi. L’acteur principal  n’est pas nommé car en réalité il trame toute l’oeuvre de l’Adepte, laissant ainsi le soin aux lecteurs curieux et attentifs de le remettre en place, ce que nous fîmes sans tarder.

Ce fut assez difficile de démêler l’écheveau de cette intrigue mais les faits sont têtus et donc nous y voilà : Dampierre sur Boutonne et Saint Vincent Depaul sont en effet intimement liés tout comme ce dernier est lié à d’autres demeures philosophales décrites par l’Adepte. Sur cette composition, de gauche à droite nous avons ; Claude Catherine de Clermont dont tout porte à penser qu’elle fut l’inspiratrice des fameux caissons et nous dirons pourquoi, puis Albert de Gondi son mari (1522-1602). Ce dernier eut notamment comme enfant Philippe-Emmanuel de Gondi (1581 – 1662) et c’est là qu’intervient le célèbre, très puissant  et très énigmatique « Monsieur Vincent Depaul » , principal conseiller et directeur de conscience dudit personnage.

Extrait

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Il est à peu près certain, et nous partageons sur ce point l’opinion de Léon Palustre, que le plafond de la galerie haute, où gît tout l’intérêt de Dampierre, fut exécuté de 1545 ou 1546 à 1550. Ce qui l’est moins, c’est l’attribution que l’on a faite de cet œuvre à des personnages, notoires sans doute, mais qui lui sont complètement étrangers. Certains auteurs ont, en effet, prétendu que les motifs emblématiques émanaient de Claude de Clermont, baron de Dampierre, gouverneur d’Ardres, colonel des Grisons et gentilhomme de la chambre du roi. Or, dans sa Vie des Dames illustres, Brantôme nous dit que, pendant la guerre du roi d’Angleterre et du roi de France, Claude de Clermont tomba dans une  » embusche  » dressée par l’ennemi, et y mourut en 1545. Il ne pouvait donc être pour si peu que ce fût dans les travaux exécutés après son décès. Sa femme, Jeanne de Vivonne, fille d’André de Vivonne, seigneur de la Châteigneraye, d’Esnandes, d’Ardelay, conseiller et chambellan du roi, sénéchal du Poitou, etc., et de Louise de Daillon du Lude, était née en 1520. Elle restait veuve à vingt-cinq ans. Son esprit, sa distinction, sa haute vertu lui acquirent une réputation telle que, à l’instar de Brantôme, louant l’étendue de son érudition, Lèon Palustre lui fait l’honneur d’être l’instigatrice des bas-reliefs de Dampierre :  » c’est là, dit-il, que Jeanne de Vivonne s’est amusée à faire exécuter, par des sculpteurs d’un mérite ordinaire, toute une série de compositions au sens plus ou moins clair.  » Enfin, une troisième attribution ne mérite pas même la peine d’être retenue. L’abbé Noguès , en mettant en avant le nom de Claude-Catherine de Clermont, fille de Claude et de Jeanne de Vivonne, émet une opinion absolument inacceptable, ainsi que le dit Palustre :

 » Cette future châtelaine de Dampierre, née en 1543, était une enfant au moment où s’achevaient les travaux. « 

Ainsi, pour ne point commettre d’anachronisme, est-on obligé d’accorder à Jeanne de Vivonne seule la paternité du décor symbolique de la galerie haute. Et pourtant, quelque vraisemblable que puisse paraître cette hypothèse, il nous est impossible d’y souscrire. Nous nous refusons énergiquement à reconnaître une femme de vingt-cinq ans comme bénéficiaire d’une science exigeant plus du double d’efforts soutenus et d’études persévérantes. En supposant même qu’elle ait pu, dans sa prime jeunesse, et au mépris de toute règle philosophique, recevoir l’initiation orale de quelque artiste inconnu, il n’en demeure pas moins qu’il lui aurait fallu contrôler, par un labeur tenace et personnel, la vérité de cet enseignement. Or, rien n’est plus pénible, plus rebutant, que de poursuivre, pendant de longues années, une série d’expériences, d’essais, de tentatives réclamant une assiduité constante, l’abandon de toute affaire, de toute relation, de toute préoccupation extérieure. La réclusion volontaire, le renoncement au monde sont indispensables à observer si l’on veut obtenir, avec les connaissances pratiques, les notions de cette science symbolique, plus secrète encore, qui les recouvre et les dérobe au vulgaire. Jeanne de Vivonne se soumit-elle aux exigences d’une maîtresse admirable, prodigue d’infinis trésors, mais intransigeante et despotique, voulant être aimée exclusivement pour elle-même et imposant à ses adorateurs une obéissance aveugle, une fidélité à toute épreuve ? Nous ne trouvons rien chez elle qui puisse justifier un tel souci. Au contraire, sa vie est uniquement mondaine. Admise à la cour, écrit Brantôme,  » dès l’âge de huict ans, y avoit elle esté nourrie, et n’avoit rien oublié ; et la faysoit bon ouyr parler, ainsy que j’ay veu nos roy et reynes y prendre un singulier plaisir de l’ouyr, car elle sçavoit tout et de son temps et passé ; si bien qu’on prenoit langue d’elle comme d’un oracle. Aussi, le roy Henri IIIe et dernier la fist dame d’honneur de la reyne, sa femme.  »

Vivant à la cour, elle voit successivement cinq monarques se succéder sur le trône : François Ie , Henri II, François II, Charles IX et Henri III. Sa vertu est reconnue et réputée au point d’être respectée par l’irrévérencieux Tallemant des Réaux ; quant à son savoir, il est exclusivement historique. Faits, anecdotes, chroniques, biographies en constituent l’unique bagage. C’était, en définitive, une femme douée d’une excellente mémoire, ayant beaucoup écouté, beaucoup retenu, au point que Brantôme, son neveu et historiographe, parlant de Mme de Dampierre, dit qu’elle  » estoit un vray registre de la court « . L’image est parlante ; Jeanne de Vivonne fut un registre, agréable, instructif à consulter, nous n’en doutons pas, mais elle ne fut point autre chose.

Entrée si jeune dans l’intimité des souverains de France, avait-elle seulement plus ou moins résidé, par la suite, au château de Dampierre ? Telle était la question que nous nous posions en feuilletant le beau recueil de Jules Robuchon , lorsqu’une notice de M. Georges Musset, ancien élève de l’école des Chartes et membre de la Société des Antiquaires de l’Ouest, vint à propos la solutionner et appuyer notre conviction.  » Mais, écrit G. Musset, voilà que des documents inédits viennent compliquer la question et semblent créer des impossibilités. Un aveu de Dampierre est rendu au roi, à cause de son châtel de Niort, le 9 août 1547, à l’avènement de Henri II. Les avouants sont Jacques de Clermont, usufruitier de la terre, et François de Clermont, son fils émancipé, pour la nue-propriété. Le devoir consiste en un arc d’if et un bousson sans coche. De cet acte, il semble résulter :

I° que ce n’est pas Jeanne de Vivonne qui jouit de Dampierre, ni sa fille Catherine qui le possède ;

2° que Claude de Clermont avait un jeune frère, François, mineur émancipé en 1547. Il n’y a pas lieu, en effet, de supposer que Claude et François seraient un même personnage, puisque Claude est mort pendant la campagne de Boulogne, finie, nous le savons, par le traité entre François Ier et Henri VIII, le 7 juin 1546. Mais alors que devint François, qui n’est pas indiqué par Anselme ? Que se passa-t-il, relativement à cette terre, de 1547 à 1558 ? Comment, d’une aussi belle association d’incapacités au point de vue de la possession, usufruitiers ou mineurs, put sortir une habitation aussi luxueuse ? Ce sont là des mystères que nous ne pouvons éclaircir. C’est déjà beaucoup, croyons nous, que d’entrevoir les difficultés. « 

Ainsi se trouve confirmée l’opinion que le philosophe à qui nous devons tous les embellissements du château, — peintures et sculptures, — nous est inconnu et le restera peut-être à jamais.  » Fulcanelli in Demeures Philsosophales

par JK, tous droits réservés in « à l’ombre des Chênes »


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