L’étoile scellée ou les mystères de l’Arcane 17. Quand le message de Wirth fédère l’hermétisme. C’est un fait que si Wirth a eut une filiation, celle-ci ne passe pas forcément par les Frères pour lesquels pourtant, il a dédié corps et âme sa vie jusqu’au martyr, sinon comment expliquer que depuis 75 ans aucun d’entre n’a daigné venir s’incliner sur sa tombe ?.. Non sa filiation passe ailleurs et le message fut par exemple bien reçu dans les milieux naissants du surréalisme d’après guerre. C’est ce que nous allons voir maintenant.
Arcane 17 selon Oswald Wirth :
« la vie… est une déesse douce et belle, comme la jeune fille nue de l’arcane 17, qui agenouillée au bord de l’étang, y déverse le contenu d’une urne d’or, dont s’écoule un liquide brûlant, vivificateur de l’eau stagnante. A cette amphore tenue de la main droite en correspond une autre qu’incline la main gauche, pour épancher sur la terre aride une eau fraîche et fertilisante… L’arrosage constant entretient la végétation plus particulièrement représentée par un rameau d’acacia et une rose épanouie.
Mimosa du désert, l’acacia résiste à la dessiccation; sa verdure persistante manifeste une vie qui refuse de s’éteindre, d’où son caractère d’emblème d’espoir et d’immortalité. Dans la légende d’Hiram, cette plante fait découvrir le tombeau du maître, détenteur de la tradition perdue… Connaître l’acacia, c’est posséder les notions initiatiques conduisant à la découverte du secret de la maîtrise. Pour s’assimiler ce secret, l’adepte.. doit imiter Isis, qui parcourut toute la terre à la recherche des débris du corps de son époux. Ces vestiges précieux sont recueillis par le penseur qui sait discerner la vérité cachée sous l’amas des superstitions que nous lègue le passé. Le cadavre spirituel d’un dieu qui jadis éclaira le monde subsiste, réparti entre les foules ignorantes, sous forme de croyances persistantes… Loin de dédaigner ces restes défigurés d’une sapience perdue, l’initié les rassemble pieusement, afin de reconstituer dans son ensemble le corps de la doctrine morte. »
« L’Arcane 17 occupe le milieu de la seconde rangée du Tarot, où il marque, tout comme l’arcane 6 qui lui est superposé, le passage d’une phase de l’initiation à l’autre. Or si l’amoureux, dans le domaine actif, passe de la théorie à la pratique, l’âme mystique, guidée par les étoiles, aboutit au discernement théorique après être entrée pratiquement en relation avec le non moi. » La Tarot des Imagiers
Dans le tarot de Wirth, un papillon posé sur une Rose symbolise le travail de métamorphose propre à l’accomplissement du travail du Grand Oeuvre, dans celui des Avenières (inspiré en partie par Wirth) le papillon s’est transformé en Paon (le corps bleu et le pourpre liés à la phase de multiplication), dans le tarot de Conver nous avons affaire au corbeau (oiseau noir) tel qu’il figure dans le frontispice du Mystère des Cathédrales.
André Breton et Arcane 17 :
Breton, dans sa description de l’arcane (Arcane 17 p. 73, 85) et dans sa relation de la légende d’Isis (p. 96) n’oublie aucun des détails symboliques rapportés ci dessus. Le fait même de conter cette légende juste après l’apparition des étoiles, prouve assez sa connaissance des textes hermétiques. Ce passage permet également de relier le roman à l’Amour Fou, grâce à la sixième lame du Tarot, l’amoureux. En fin, voilà confirmé, sur un plan symbolique, les deux idées forces autour desquelles s’oriente le livre : la persistance de la vie et la recherche d’une connaissance antérieure perdue. Il faut ajouter que l’appel aux Tarots n’éloigne en rien de l’alchimie. Michel Maïer affirme en effet que la légende d’Isis et d’Osiris se rattache au mythe alchimique :
« L’allégorie d’Osiris a été ramenée par nous à sa véritable origine, qui est chimique, et expliquée de façon complète en un autre endroit, à savoir le premier livre des Hiéroglyphes… Le soleil est Osiris… la lune, de son côté est Isis., et ce sont les parties du composé qui avant l’opération est appelé pierre et du nom de tout métal, magnésie. »
Chacun des ruisseaux décrits par Breton reprend une des caractéristiques principales de la Pierre :
« Le ruisseau de gauche : je brûle et je réveille, j’accomplis la volonté du feu. Le vase de feu trépidant dont je sourds, le vent ne finira jamais d’en dérouler les boules de vapeur. » (p. 86)
C’est-à-dire le feu et l’air (le volatil) d’une part,
« Ruisseau de droite… j’obéis à la fraîcheur de l’eau… et je vais à la terre » . (p. 87)
C’est-à-dire l’eau et la terre d’autre part (le fixe), ce qui renvoie aux propos de Raymond Lulle dans son livre de la Quintessence (troisième distinction : l’incération) :
« Il faut réaliser à partir de la nature d’un seul métal, deux liquides de composition contraire; l’un aura une vertu qui fixe, coagule et durcit, l’autre sera volatile, instable et mou… De ces deux liquides il sort une pierre coagulée, fixe et durcie, qui possède le pouvoir de coaguler ce qui n’est pas coagulé, de durcir ce qui est amolli et d’amollir ce qui est dur. »
Fulcanelli en relation avec Arcane 17 (de la double nature de la Pierre) :
« Telle est l’origine de notre pierre, pourvue dès sa naissance de la double disposition métallique, laquelle est sèche et ignée et de la double vertu minérale, dont l’essence est d’être froide et humide. Ainsi réalise-t-elle en son état d’équilibre parfait, l’union des quatre éléments naturels que l’on rencontre à la base de toute philosophie expérimentale. La chaleur du feu s ‘y trouve tempérée par la frigidité de l’air et la sécheresse de la terre neutralisée par l’humidité de l’eau. » (DEU p. 75).
Il nous faut changer de logique et de morale, reconstituer la science sacrée : voilà l’enseignement de la légende d’Isis, reprise dans le Tarot, auquel adhère Breton avec foi. Au cours du passage du « ruisseau de droite », il entonne un hymne de confiance en l’esprit nouveau qu’il convient d’instaurer.
« Et les idées cesseraient d’être aussi fécondes de l’instant où l’homme ne les abreuverait plus de tout ce que la nature peut mettre individuellement en lui de clarté, de mobilité, de générosité et de fraîcheur de vues. je porte au sol où il marche cette confiance qu’il doit avoir dans l’éternel reverdissement de ses raisons d’espérer, au moment même où elles peuvent paraître détruites. » (p. 87)