Oswald Wirth et la régénération maçonnique


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Plus de 70 ans après sa mort, l’homme reste une énigme : il est étonnant tout de même de penser que c’est un Suisse qui entreprit une réforme de la franc-maçonnerie française restée sans précédent. Bien sûr, son oeuvre a vieilli et a subit les outrage du temps mais l’essentiel est là : la dimension symbolique des rituels.

On peut lui être gré également de n’avoir pas mis les hauts grades au pinacle et même d’avoir exprimé de vives réserves (plus que des réserves !) à leurs égards. Nous évoquerons quelques aspects méconnus de cette haute figure maçonnique restée largement dans l’ombre malgré la notoriété de son oeuvre. O. Wirth n’était pas un « pérennialiste » et à la différence de René Guénon ne revendiquait pas pour la franc-maçonnerie une filiation immémoriale. Alors ? alors ? alors, en celà plus proche de Jung il avait compris et perçu les ressorts du symbolisme et ses facultés sotériologiques au niveau de chaque individu sans faire appel à un quelconque  « Deus ex Machina traditionalis ». Wirth, gnostique ophite discret, n’en déplaise à certains reste à redécouvrir dans ses fondements herméneutiques.  Nous aurons l’occasion d’y revebir notamment à propos d’un tarot méconnu qu’il laissa dans les Avenières surplombant les abords du lac Léman. (JHK serviteur)

  » L’idée selon laquelle la filiation historique est le garant de l’efficacité initiatique est erronée. Elle provient de notre identification maladive à une linéarité temporelle, que toute initiation authentique brise. C’est une tentative de forcer l’Esprit à couler à travers des pipe-lines fabriqués par une histoire trop humaine. La véritable filiation ne se situe pas là. C‘est un courant souterrain qui transcende toutes les formes. »

(Denis Laboure).

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« Le Vieux Serpent semble unir en ses anneaux toute la chaîne d’associations occultes qui, à travers les âges, se sont transmises des usages et des méthodes dont la connaissance devait être dérobée au vulgaire, aux masses charriées par le Fleuve. Le mystère n’a jamais cessé d’avoir ses hiérophantes et ses fidèles, les uns et les autres trop souvent réduits à ne rien discerner au milieu des ténèbres sacrées.

Tel fut longtemps le cas de la Franc-Maçonnerie, issue de corporations du moyen âge qui prétendaient se rattacher aux plus anciens groupements constructifs. Dès le XVIIe siècle, un esprit nouveau pénétra peu à peu la très vieille organisation qui semblait vouer à disparaître. C’est alors que l’or, dédaigné par l’enseignement officiel (le Passeur), tomba dans la crevasse o ù somnolait le Serpent. Celui-ci se hâta de faire siennes les doctrines humanistes de la Renaissance, qui auraient dangereusement agité le Fleuve. Puis, ainsi préparé, il rejoignit les Feux Follets, autrement dit les Encyclopédistes et les beaux esprits raisonneurs, jamais à court d’explications sur tout ce qui semblait mystérieux.

Ces rationalistes, dont le domaine est la verticale (abstraction, théorie, transcendance), éblouissent la pauvre Couleuvre, condamnée à ramper horizontalement, sur le sol du positivisme, du concret et du réalisable. Cependant, comme elle demande aux Flammes légères de la renseigner sur la provenance de l’or, qu’elle suppose tombée directement du ciel, les Feux Follets s’esclaffent, tout en se secouant pour faire pleuvoir des pièces d’or, qu’ils s’amusent de voir dévorées par le Serpent.

Devenu lumineux en cette compagnie folâtre, celui-ci se hâte de regagner la montagne et de se faufiler dans la crypte dont le secret l’intrigue. « 

Exégèse du Serpent Vert de Goethe par Oswald Wirth

à suivre  ici

Oswald Wirth : Brienz, 1860-Mouterre-sur-Bourde, 1943.

 oswald_wirthNé en Suisse, d’un père républicain et d’une mère catholique pratiquante, Wirth est initié le 26 janvier 1884, à la loge La Bienfaisance Châlonnaise du Grand Orient dans la ville où il effectue son service militaire. Comptable de formation, il se consacre très tôt au magnétisme et entre en relation avec Stanislas de Guaita, écrivain occultiste, fondateur en 1888 de l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix. Il en devient le secrétaire et appartient, ainsi que Paul Adam Péladan et Papus, au Conseil Supérieur de cet Ordre. Installé à Paris, Wirth s’affilie aux Amis Triomphants du Grand Orient, puis, à l’initiative d’un ancien communard, Ferdinand Baudel, il s’inscrit à la loge Travail et Vrais Amis Fidèles de la Grande Loge Symbolique Écossaise. Il participe à la création de la Grande Loge de France* et lui reste fidèle jusqu’à sa mort. Promu au 4° en 1904, il ne se montre guère attiré par les ateliers supérieurs, mais accepte, avec le sourire, d’être élevé au 33°. Sa connaissance de la langue allemande lui permet d’œuvrer au rapprochement entre les obédiences françaises et germaniques.

Il se manifeste avec éclat, par la publication, en 1889, d’une controverse sur le symbolisme au nom du Groupe Maçonnique d’Études Initiatiques inter-obédientiel, présidé par le vénérable de « Travail et Vrais Amis Fidèles ». Le groupe souhaite réorganiser la maçonnerie française « par la pratique sérieuse de l’initiation » l’ouverture de relations fraternelles avec la maçonnerie anglo saxonne, la constitution d’une « maçonnerie blanche », dépourvue de symbolisme initiatique, servant d’intermédiaire avec le monde profane pour que les maçons remplissent leurs devoirs démocratiques. Il veut ainsi clairement différencier la double vocation de l’Art royal : former des initiés et œuvrer à l’amélioration de la société.

Ce groupe publie la première œuvre de Wirth, le Rituel interprétatif pour le grade d’apprenti première ébauche du Livre de l’apprenti qui sort en 1893. Puis suivent, entre autres, Le Symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’alchimie et La Franc-Maçonnerie (1910) Les Tarots (1911), Le Livre du compagnon (1912), Le Livre du maître (1922), une traduction commentée du Serpent vert de Goethe (1922), Le Tarot des imagiers du Moyen Âge (1927), Les Mystères de l’Art Royal (1932), Le Symbolisme astrologique (1938), Qui est régulier ? (1938). Parallèlement, il développe ses thèses dans L’Acacia (1902) La Lumière maçonnique (1910) et, surtout, Le Symbolisme, revue qu’il fonde en 1912 et devient Organe du mouvement universel de régénération initiatique de la franc-maçonnerie.

O.Wirth, dans ses premières interventions maçonniques, se fait le défenseur d’une maçonnerie spiritualiste mais aussi progressiste, ouverte à la mixité. Il s’opposera pourtant ultérieurement à ce que son obédience adopte des motions d’ordre politique; il conseille aux maçons de ne pas confondre le temple et la maison mais de travailler à ces deux constructions. Selon lui, le temple est destiné à abriter sous son dôme étoilé l’humanité entière alors que la maison répond à des besoins plus modestes et plus immédiats. Il invite la Grande Loge à pratiquer les rites avec intelligence, à former des penseurs et à assurer ainsi l’avenir de la République. Faute de quantité, elle aurait ainsi la qualité. Cette démarche élitiste, à l’origine, ne rencontre qu’un faible écho mais ses thèses façonneront, entre les deux guerres, les conceptions d’une large fraction de la maçonnerie, et pas seulement au sein de la Grande Loge.

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