Afin de mieux comprendre la genèse des écrits livrés à la postérité du Maître, nous allons prochainement publier des fascicules avec des biographies ou documents historiques sur ces architectes de la Science. Notre première trilogie se fera autour de l’oeuvre de Louis Figuier qui nous donne de nombreuses et bien précieuses indications.
Louis Figuier – Qui est-il ? En 1874, le douzième volume du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse fait paraître l’article “Photographie”. Celui-ci s’ouvre sur une synthèse historique qui récapitule l’état contemporain du savoir, appuyé sur une large bibliographie dont une quinzaine de volumes sont cités, notamment le Guide du photographe (1854) de Charles Chevalier, La Photographie considérée comme art et comme industrie (1862) des frères Mayer et de Pierre-Louis Pierson, les Dissertations sur la photographie (1864) d’Alexandre Ken, le troisième volume des Merveilles de la science (1868) de Louis Figuier ou encore Les Merveilles de la photographie (1874) de Gaston Tissandier, qui comportent tous de longs développements historiques. Fidèle à l’architecture qu’il emprunte à ses sources, cet article témoigne de l’existence à cette date d’une véritable vulgate historique, appuyée sur une solide tradition et une littérature fournie.
Né en 1819 à Montpellier où il a obtenu son doctorat de médecine et son agrégation de pharmacie, Louis Figuier vient d’achever en 1850 sa thèse de doctorat ès sciences, sur l’Action de la lumière sur quelques substances impressionnables, sous la direction du chimiste Antoine Jérôme Balard, et ne s’est guère fait connaître jusque là que par quelques articles spécialisés, consacrés à la photographie, à la télégraphie électrique ou aux aérostats, publiés dans la Revue des deux Mondes.
L’ouvrage remporte un succès immédiat, confirmé par cinq rééditions et réimpressions successives. D’emblée, Figuier a trouvé son style. Son principal modèle sont les Notices biographiques de François Arago, à qui il emprunte le recours à l’histoire comme méthode d’exposition de l’information scientifique et technique1.
Il y adjoint un sens aigu de la narration et de l’imagination dramatique, appuyés sur l’anecdote et le dialogue en style direct. Loin du lyrisme d’un Michelet, Figuier est plus proche de la verve d’un Dumas: son écriture, simple et vivante, donne l’impression d’assister sur le vif aux événements cruciaux de l’histoire. La dimension technique est soigneusement escamotée: procédures ou dispositifs font l’objet de descriptions élémentaires, qui ont vocation à rassurer le lecteur sur la qualité de l’expertise. Malgré les réelles compétences scientifiques de Figuier, son approche reste celle d’un littéraire et d’un compilateur: à aucun moment il ne procède à une expérimentation ou une vérification, fut-elle théorique, et son récit peut très bien reproduire une description fautive, lorsque celle-ci figure dans la source employée.
En revanche, Figuier excelle dans la mise en perspective. L’un des ressorts narratifs principaux de l’Exposition repose dans les nombreux commentaires généralisants qui scandent le texte et visent à éclairer les mécanismes du progrès scientifique et technique, à révéler ses causes culturelles et sociales, à livrer son sens historique profond. C’est là que réside l’atout majeur de la vulgarisation selon Figuier: aucun élément du récit n’est isolé d’un schéma d’explication, qui forme la structure sous-jacente d’un chapitre ou d’un paragraphe. La façon dont la photographie est envisagée comme un phénomène culturel global est remarquable: dès 1851, Figuier a songé à inclure un chapitre consacré à ses applications scientifiques, un autre à la question de l’art et de la photographie. Il est à peu près certain que ses ouvrages fut pour le jeune Fulcanelli, un support autant efficace qu’utile. Nous aurons à y revenir, notamment en ce qui concerne son rôle éminent dans la naissance du si bien nommé 7ème art !... qu’il présida jusqu’à sa mort