Le lion vert de la place de Belfort à Paris (XIVème arrondissement)
Cet article qui trainait jadis sur l’un de nos sites (contrepoints.com) et que nous avions cru perdu perdus à jamais mais retrouvé par hasard …
Vous aimeriez pénétrer, dites-vous, les mystères qui nous entourent, comprendre le langage hermétique des vieux grimoires qui renferment, dit on, des secrets oubliés. Vous vous passionnez, assurez-vous, pour la recherche des connaissances traditionnelles qui fondent les sociétés
humaines, qui donnent les clés des religions et des sociétés initiatiques. Si vous avez déjà pu rentrer dans certaines de ces connaissances réservées, vous êtes sur la bonne voie et vous n’avez nul besoin de nous. Le simple rappel des paroles attribuées à Nicolas Valois, grand alchimiste normand dont on connaît peu précisément l’époque de l’existence, vous suffira :
«En perdant la pureté du coeur, on perd la Science.»
Mais si vous buttez sans cesse sur le langage incompréhensible des vieux livres, vous devriez sûrement vous familiariser avec la Cabale phonétique.
Le mot a même sonorité que la kabbale hébraïque, mais ne recouvre pas la même voie d’accès à des vérités réservées. Fulcanelli et son disciple Eugène Canseliet ont abondamment parlé de la première dans leurs ouvrages, où ils en ont, bien sûr, fait un ample usage ainsi que, c’est certain, dans leurs travaux privés. Nous vous proposons de vous en donner ici quelques « ficelles » qui vous permettront, si vous avez désormais l’oreille attentive et un peu d’imagination, de progresser seul dans ce domaine. Car la cabale phonétique est faite pour l’oreille et n’est guère compatible avec la lecture rapide, laquelle est principalement visuelle et souvent utile pour venir à bout des écrits-fleuves de ceux qui n’ont pas la politesse d’exposer leur pensée avec concision, et dont nous faisons peut-être partie aujourd’hui.
Le premier ouvrage de Fulcanelli, par exemple, est intitulé Le Mystère des Cathédrales. Nous traduisons ce titre par les mystères d’Hécate aux drôles. Hécate est la triple déesse de la Lune, chère aux hermétistes, et les drôles, suivant Grasset d’Orcet, est le nom donné aux enfants de la Science,c’est-à dire aux initiés, ceux qui comprennent ce langage, cet argot dont nous parlons.
Considérons le mot « mystère » lui-même. Qu’est-ce donc que « faire des mystères » suivant l’expression populaire ? C’est encore, suivant une autre expression équivalente, « dire à demi-mots ». Si alors, on dit à demi-mots, c’est bien qu’on en tait aussi l’autre moitié. Dès lors c’est mi se taire.
Il s’agit, on le voit, ni plus ni moins que d’utiliser les calembours, les mots d’esprit, les bons mots, voire les contrepèteries et les anagrammes pour décrypter, en s’amusant, les langages secrets. D’où le nom de Gaie Science, un autre nom de la Cabale phonétique. Les gens qui n’aiment pas rire ne peuvent pénétrer les choses sérieuses ! Rabelais en est un excellent exemple. C’était un grand connaissant, et cependant il n’engendrait guère la mélancolie. Il déclarait que ses ouvrages étaient des « livres de haute graisse » et l’on avait tendance à voir là une allusion à de riches mets. En réalité, croyons-nous, il faut comprendre « haute Grèce », donc, que ses livres utilisent le haut grec, c’est-à-dire le grec ancien pour cacher leurs secrets.
Fulcanelli consacre deux chapitres de son second livre « Les DemeuresPhilosophales » à initier le lecteur à la Cabale phonétique. Il y indique que toute langue est capable d’abriter des secrets au moyen de cette cabale, mais que les vieux traités de l’Alchimie font un ample usage du grec ancien.
Si vous n’êtes pas un littéraire et encore moins un helléniste, n’ayez donc pas, cher internaute, ce mouvement de recul. Il est certes question du grec ancien, mais il ne s’agit que de son vocabulaire dont de nombreux mots vous sont déjà familiers, car nous les utilisons tous les jours ; ainsi : photos = lumière, chir = main, xylos = bois, etc … Les bons dictionnaires classiques « Grec ancien – Français » et « Français – Grec ancien » vous seront la plupart du temps suffisants, et d’ailleurs d’autant plus précieux qu’ils seront épais et que leur date de parution sera plus ancienne (le milieu du 19 siècle).
Dèsl’abord, Ils donnent, déjà, l’alphabet grec que vous devrez, bien sûr, connaître par coeur. D’ailleurs, Anatole France, qui au témoignage d’Eugène Canseliet, était un vieux camarade de Fulcanelli, n’a-til pas fait dire à l’un de ses personnages dans La Révolte des Anges, quelque chose comme :
«Le Saint Esprit parle un mauvais grec pour humilier les savants».
Quant à nous, nous allons essayer de savoir ce qui se cache derrière ce mot de « Cabale ». Fulcanelli, encore lui, indique que la lettre grecque « chi », correspondant au ch dur, dont la graphie majuscule est exactement semblable à notre X, est utilisé par les cabalistes, associée ou non à une voyelle, pour désigner l’Esprit, la Lumière (spirituelle). Or cette lettre grecque « chi » est équivalente à nos consonnes x, k (ou c dur), h, ch, ch dur, g, j et même s (chuinté). Dans ces conditions, cabale peut s’interpréter comme « Xa- ballei ». Or, en grec ancien, « ballei », signifie il (ou elle) répand, il (ou elle) projette, de la même racine que le mot balle (de fusil). La Cabale est donc ce qui répand la lumière, en quelque sorte un projecteur, ce qui éclaire. De même, nombre de scènes nous montrent l’Esprit descendant, sur un personnage, sous la forme d’une colombe, un colombin. Nous interpréterons colombin par l’à peu près « Xo-lambanei », ce qui signifie il (ou elle) reçoit Xo, il(ou elle) reçoit la Lumière, il (ou elle) reçoit lEsprit.
Donnons encore un exemple, utilisant le français, lequel est d’ailleurs un des langues les plus propices à ce genre de révélations. On connaît la place Denfert-Rochereau à Paris. Malmené un peu, ce nom propre donne fer dans rocher eau. C’est là l’énoncé, en style télégraphique, d’une opération souvent évoquée dans des récits mythiques, dans lesquels, du rocher frappé d’une baguette, jaillit une source d’eau. C’est aussi une manipulation pratique qui doit être menée au début du Grand OEuvre alchimique par voie sèche. Elle est à l’origine d’une eau spéciale, le Lion Vert. Or celui-ci a sa statue sur cette place.
Donnons une interprétation basée sur d’autres langues étrangères. On connaît le drame de la submersion cataclysmique de l’antique île de l’Atlantide par un raz de marée. Par un procédé habituel à beaucoup de langages, transposons A T L A N T I D E en A L TL A N T-T I D E. En allemand ALT signifie vieux, en latin ALT(US) veut dire antique et, au figuré, élevé et au figuré éminent, ce qui a donné haut en français avec à peu près les mêmes significations. Toujours en allemand LAND, qui se prononce pratiquement comme LANT en français, signifie pays. Enfin, en anglais, TIDE signifie marée.
Nous pensons que nous avons été assez bavard et que maintenant, il ne vous reste plus qu’à user par vous mêmes des mêmes méthodes faisant communiquer ainsi les langues que vous connaissez et celles que vous allez apprendre, saisis par l’intérêt du procédé. Au début, les résultats obtenus, étonnants, semblent plus divertissants que probants, mais, avec l’expérience, les vérifications et les recoupements que l’on est amené à faire, naît la confiance dans cette discipline généralement négligée.
Bon courage donc. Je vous souhaite une ample moisson et même une vision du monde renouvelée grâce aux réflexions que vous serez amené à faire sur la véritable nature du langage.
Henri Bodard, ancien président d’Atlantis