Fulcanelli, les Lesseps et la communauté du Chat Noir.
C’est Jean-Julien Champagne qui introduisit le tout jeune Eugène Canseliet auprès des Lesseps, et avec eux il découvrit le milieu cosmopolite de gens appartenant aussi bien au monde de la politique et des affaires qu’à celui des arts et de la littérature en particulier. Il pu également faire la connaissance de Raymond Roussel sur lequel nous aurons à revenir (la course des hippocampes et un certain M. Volcan).
En la fastueuse demeure de l’avenue Montaigne on pouvait voir aux cours de soirées mondaines des hommes politiques d’orientations diverses autour de l’homme d’affaire.
C’est lors d’une de celles-ci que l’auteur d’Arcane 17 et de Nadja sympathisa avec Eugène Canseliet ; ce furent là les préludes d’une longue amitié qui déboucha au parrainage, bien des années plus tard, à la Société des Gens de Lettres de France de Canseliet par André Breton. L’auteur – Irène Hillel-Erlanger – du fameux ouvrage à clé, Voyages en kaléidoscope, fréquentait également le salon des Lesseps, (nous expliquerons également les raisons de sa proximité avec le Maître) et une de ses amies intimes – vraisemblablement femme alchimiste, Louise Barbe – avait servi de modèle à Jean-Julien Champagne, en 1910, pour un tableau singulièrement évocateur, puisqu’il s’agissait du Vaisseau du Grand Œuvre dans lequel la jeune femme apparaissait nue, investie du rôle de la pierre philosophale parée de mille feux étincelants et dans un cadre où le symbolisme alchimique transparaissait avec éloquence
Ainsi d’ailleurs que l’avouera plus tard André Breton à Eugène Canseliet, le poète surréaliste Paul Éluard n’était pas indifférent au charme et à la grâce déployés par le modèle de Jean-Julien Champagne qui, jamais en manque d’une facétie, s’était amusé à berner le mari naïf de Louise Barbe, le docteur Voronoff. Julien Champagne avait en effet trafiqué la carte d’identité de son père, prétendant que c’était la sienne et qu’il était né en 1854, arguant du fait qu’il possédait l’élixir de longue vie qui le prémunissait contre le vieillissement ! Cette facilité a trafiquer les documents et à faire des faux sera d’ailleurs utilisée peu de temps après le décès de l’Adepte afin de s’attribuer une partie de ses brevets, mais l’homme n’en était pas à son premier coup d’essai !
Le sceau de Salomon, ou étoile au front de Vénus
Un blogueur, J. Artéro donne une explication intéressante de ce tableau. D’après lui, ce tableau représenterait Marie Curie Jeune (la ressemblance est frappante) et son travail sur la radioactivité. Cette hypothèse expliquerait alors le rayonnement bleu, froid, dur et pénétrant du sceau de Salomon. On notera d’ailleurs les différentes irisations et la couleur indigo.
« Deux rayons bleus descendent jusqu’aux épaules de la femme, sinistre présage. Est-ce le rayonnement du Radium, découvert par Marie Curie, aidée de son mari Pierre, en décembre 1898, qui est ici représenté ? Julien Champagne porterait ainsi hommage à ces inventeurs d’une énergie nouvelle, froide, celle de la matière. Elle apparaît alors comme une source inépuisable d’énergie, elle est l’alpha et l’oméga de la Création.
Telle est la perception de cette découverte par le public, tel est le sens de l’article écrit en mars 1904 par Péladan (1858-1918) – écrivain occultiste, fondateur avec Stanislas de Guaita de l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix en 1888 – dans « La Nouvelle Revue », intitulé « Le Radium et ses miracles »
Marie Curie invente le mot « radioactivité », suite à la mise en évidence des trois types de rayonnements émis par le radium, les rayons alpha, béta, et gamma. Les propriétés très nocives de ce dernier rayonnement ne seront vraiment appréhendés que plus tard. Les matériaux à teneur suffisante en radium deviennent luminescents dans l’obscurité, ce qui ravit les yeux de Marie et Pierre Curie à chaque fois . Cette luminescence est du même bleu que les rayons « froids » qui sortent du sceau de Salomon, au front de la femme nue du tableau de Julien Champagne, qu’il date de 1910. » J. Artero
Nos lecteurs pourront poursuivre cette hypothèse dans notre cahier no 4, et dans le dernier cahier accompagné des photos nous évoquerons l’environnement des « de Lesseps » comme celui du fameux cabaret montmartrois où les Frères en Héliopolis trouvaient un refuge à l’abri des moustaches du chat !
Ci dessous, à gauche, la femme chimiste (et alchimiste) Louise Barbe, que les amateurs d’alchimie connaissent bien. Eugène Canseliet, publie dans la seconde édition de ses « Deux logis alchimiques » (Pauvert) une photographie ainsi que le portrait peint par Julien Champagne, illustrateur du maître. C’était également la première épouse du Docteur Voronoff. Selon certaines non vérifiées, Louise Barbe serait la fille de Ferdinand de Lesseps, le père du canal de Suez. A droite on aura reconnu Marie Curie, possible inspiration du peintre.
Dans le montage photo suivant, on observera celle de Marie Curie à droite. Sur les photos disponibles de cette personne, le port des cheveux est le même, comme la femme au matras. Elle a également le front haut, des sourcils épais, larges, prononcés, des yeux en retrait sous les arcades sourcilières. Le nez n’est pas droit, mais recourbé vers le haut. Enfin, le port de poitrine, haut et large, est similaire au modèle peint par Julien Champagne.