La présence d’une quatrième pyramide à Gizeh fut mentionnée dès 1737 en particulier par le danois Frédéric-Louis Noren qui l’a de plus dessinée, puis d’autres aux 17 ème siècle et 18ème siècles. Après elle disparait des mémoires. Que s’est-il passé ? aurait-elle servie de carrière pour la ville du Caire ?
La légende de la Reine Nitocris : les enjeux
L’Égypte ancienne a connu deux âges d’or, l’un situé dans ce que les égyptologues appellent l’Ancien Empire et l’autre dans le Nouvel Empire, ce dernier étant bien mieux connu historiquement que le premier, qui est un mélange de mythes et légendes saupoudrés d’Histoires. Cet Ancien Empire, dont une première partie fondatrice est toujours plongée dans les ténèbres créées par la disparition des papyrus historiques les concernant, étonne toutes les personnes amenées à admirer ses monuments, architectures, organisations et littératures. En ce qui concerne cette littérature, qui ne concerne pratiquement que des traités religieux, médicaux et poétiques, tous les spécialistes sont d’accord pour affirmer leur incroyable qualité, voir « modernité » et même assise ancienne et expérimentée. Et oui, cet Ancien Empire est bel et bien lui-même héritier de traditions et connaissances millénaires, provenant des débuts de l’Holocène voir de la mi Pléistocène. Parmi ces légendes et ces nombreux rois ou Pharaons, héros mythologiques , guerriers , qui ne sont connus que par leurs noms sur une ou deux listes élaborées très tardivement dans l’Histoire égyptienne, se trouve une Reine/Pharaon de la fin de l’Ancien Empire et une histoire digne d’un film épique : Nitocris (ou Nitokris en grec). Et cette Reine légendaire est également et étonnamment liée aux troisième et quatrième pyramides de Gizeh ! Cette dernière faisant toujours partie des mystères de l’Antiquité…
La plus ancienne référence à cette Reine se trouve dans le Papyrus Royal de Turin, l’une des listes mentionnant les souverains égyptiens et l’un des rares documents sur l’Histoire égyptienne par les égyptiens qui nous soient parvenus… et encore, même sa mention est contestée par certains érudits, surtout lors de la période où il était considéré qu’une femme-pharaon était contestable en soit… mais des auteurs de l’antiquité tels que Hérodote, Ératosthène ou encore l’égyptien Manéthon de Sebennytos (3ème siècle Avant JC) en parlent très nettement. Surtout via les extraits d’autres auteurs grecs ou romains (Eusèbe et Jules l’Africain) en ce qui concerne ce dernier, dont peu d’écrits originaux nous sont parvenus.
Là où les choses se compliquent, c’est quand des archéologues pensent que Nitocris pourrait bien être en fait aussi la légendaire Rhodopis, voir même la mystérieuse femme nommée Khent-kaou-es, dont la tombe monumentale et digne d’un pharaon a été découverte sur le plateau de Gizeh, et appelée « la Quatrième pyramide de Gizeh » par les médias des années 1930, lors de sa découverte…
Que sait-on de la légende de Nitocris, ? Reine qui apparaît comme légendaire au temps des Empereurs de Rome, car elle est considérée comme une ancienne héroïne de l’Égypte (en fait, son histoire remonte à 2500-2400 Avant JC d’après ceux qui pensent qu’elle (ou il) a existé). Située ainsi par Manethon au 3ème siècle Avant JC, comme étant régnante à la fin de la 6ème Dynastie, elle est décrite par lui comme ayant un teint clair et la femme la plus courageuse et la plus belle de son temps. Il ajoute qu’elle aurait construit la troisième pyramide (celle attribuée à Menkaoure ou Mykérinos en grec, la plus petite des 3 pyramides du plateau de Gizeh, et régné douze ans.
Autre traduction de Manethon : « Il y eut une femme Nitocris qui régna ; elle était plus courageuse que tous les hommes de son temps, et c’était la plus belle de toutes les femmes ; elle avait le physique d’une blonde aux joues roses » (Christiane Desroches Noblecourt dans La femme au temps des pharaons, éd. Stock 1986). Ératosthène, de son côté, donne la longueur de son règne comme étant de 6 ans et remarque que son nom se traduit par Athena la Victorieuse. Alors que Hérodote (au 5ème siècle Avant JC) note que, « après Menes (le premier roi) viennent 330 rois dans les noms étaient récités par les prêtres, d’après un rouleau de papyrus. Dans toutes ces générations il y avait 18 Rois Éthiopiens et une Reine, une native de la région, et tout le reste étaient des hommes d’Égypte. Le nom de la Reine était le même que la princesse Babylonienne Nitocris ». Hérodote est ici très contesté au sujet de l’assimilation de la reine de Babylone Nitocris et de celle d’Egypte, qui ont des histoires et époques différentes. L’historien grec continue : « Ils me racontèrent que les Égyptiens, après avoir tué son frère, qui était leur roi, lui remirent la couronne ; qu’alors elle chercha à venger sa mort, et qu’elle fit périr par artifice un grand nombre d’Égyptiens. On pratiqua sous terre, par son ordre, un vaste appartement, qu’elle destinait en apparence à des festins ; mais elle avait réellement d’autres vues. Elle y invita à un repas un grand nombre d’Égyptiens qu’elle connaissait pour les principaux auteurs de la mort de son frère, et, pendant qu’ils étaient à table, elle fit entrer les eaux du fleuve par un grand canal secret. Il n’est rien dit davantage de cette princesse, si ce n’est qu’après avoir fait cela elle se précipita dans un appartement toute couverte de cendres, afin de se soustraire à la vengeance du peuple ».
Une histoire extraordinaire de vengeance donc pour celle qui est considérée par certains comme étant la première femme ayant régné sur l’Égypte. C’est Baudouin Van de Walle, Égyptologue et professeur à l’Université de Liège en Belgique, qui ouvre une parenthèse très intéressante sur l’histoire de Nitocris dans son texte de 1935.
La quatrième pyramide et la légende de Rhodopis
« Depuis que le déchiffrement de l’écriture hiéroglyphique a permis de recourir aux documents égyptiens, les savants se sont efforcés d’appliquer à l’histoire pharaonique les méthodes d’une saine Pour reconstituer les cadres réels du passé égyptien, ils ont recouru avant tout à l’étude des documents contemporains des événements et n’ont plus tenu compte des traditions populaires, par les narrateurs indigènes et par les écrivains grecs qu’en tant que sources accessoires. Cependant, loin de rejeter entièrement le contenu de ces récits légendaires, ils en ont fait la critique : dans la plupart des cas, ils ont retrouvé, sous le déguisement populaire, un événement historique bien établi qui a servi de point de départ aux enjolivements postérieurs. A cet égard, les études de G. Maspero, d’A. Wiedemann, de K. Sethe et de W. Spiegelberg, pour ne citer que ceux-là, sont particulièrement instructives.
« Une nouvelle application de cette méthode d’interprétation vient d’être faite par l’égyptologue viennois, M. Herman Junker. Comme elle intéresse à la fois les égyptologues et les hellénistes, nous résumons ici les points essentiles de l’ingénieuse argumentation proposées par l’éminent archéologue. Pendant l’hiver 1931-32, Selim Hassan, professeur d’égyptologie à l’Université du Caire, dégageait au cours de fouilles entreprises dans la nécropole de Gizeh un singulier monument funéraire situé à 400 m. environ au S.-E. de la pyramide et du temple de Chéphren (1). Dans l’enthousiasme de la découverte, des journaux mal informés lui ont décerné, mais à tort, le nom pompeux de « quatrième pyramide ». Quelles que soient ses proportions (la base a 40 m. de côté), ce tombeau n’est pas à comparer aux masses impressionnantes des pyramides de Chéops, Chéphren et Mycérinus. Le monument découvert par Selim Hassan présente cette particularité que son massif intérieur est partiellement constitué par la roche naturelle que l’on a taillée de façon à obtenir un socle rectangulaire : celui-ci devait être revêtu d’un parement de blocs de calcaire fin qui ont été arrachés au cours des âges. Il reste néanmoins assez de vestiges de la maçonnerie primitive pour que l’architecte Steckeweh, assistant de l’archéologue U. Hölscher, ait pu proposer la reconstitution probable du type de construction dont il s’agit. Ce monument, suivant une hypothèse que suggérait déjà R. Lepsius, aurait imité les formes générales d’un immense sarcophage à cuve rectangulaire et à toit bombé, reposant sur un socle carré.
Ce type de construction est exceptionnel ; cependant il se retrouve, abstraction faite du haut socle, dans le tombeau de Shepseskaf, dernier roi de la IVe dynastie, le Mastabat Faraoun, à Saqqarah Sud, récemment fouillé par G. Jéquier pour le compte du Service des Antiquités de l’Égypte. Mais, mutilé comme il devait déjà l’être dans l’antiquité, le nouveau tombeau de Gizeh avait pris des formes indistinctes qui ne le différenciaient plus guère de certaines petites pyramides de princesses voisines des monuments imposants des pharaons. Ce qui fait le nœud du problème que nous aurons à considérer, ce sont les inscriptions qui identifient l’occupant du tombeau; elles se lisent sur une fausse porte et sur les deux montants en granit qui encadrent le passage donnant accès à une chapelle ménagée dans l’angle S.-E. du massif. Le texte contient une titulature singulière qui se traduit littéralement comme suit :
« Roi de Haute et de Basse Égypte, Mère du Roi de Haute et de Basse Égypte, Fille du dieu, dont on dit toutes les bonnes choses qu’elle a faites, Khent-kaou-es ».