Le chapitre VI du « Mystère des cathédrales s’attarde sur le portail dit « de la Vierge » et attire notre attention sur les 7 cercles qui sont les symboles des sept métaux planétaires. Nous aurons l’occasion d’y revenir mais assurons nous dans un premier temps du contexte général (qui fait référence une fois de plus à son maitre d’oeuvre – l’imagier A.V Geoffroy Dechaume – déjà évoqué dans nos précédents articles).
Le Portail de la Vierge est le portail de la façade occidentale situé à gauche. Il a été installé dans les années 1210-1220, donc après le portail Sainte-Anne, mais le portail du Jugement Dernier lui est légèrement postérieur.
Il retrace, selon la tradition de l’Eglise, la mort de Marie, sa montée au Paradis et son couronnement en tant que reine du Ciel. Juste au-dessus des deux portes, sur le linteau* inférieur, trois prophètes à gauche, trois rois de l’Ancien Testament à droite, tiennent des phylactères indiquant que la promesse de Dieu a été accomplie : Jésus est venu sauver l’humanité. Juste au-dessus, sur le linteau supérieur, Marie repose sur son lit de mort entourée par Jésus et par les douze Apôtres. Deux anges placés à la tête et aux pieds de Marie soulèvent son linceul et l’emportent au Paradis.
Au centre du tympan, nous retrouvons Marie, au Paradis, assise sur le même trône que Jésus. Elle est alors couronnée par un ange tandis que Jésus la bénit et lui donne le sceptre. Elle est ainsi devenue reine du Ciel, Regina Cæli, devant toute la Cour céleste composée d’anges, de patriarches, de rois et de prophètes installés dans les quatre voussures* successives.
Dans la partie inférieure, au-dessus du trumeau, nous distinguons sous un dais représentant la Jérusalem Céleste un grand coffre : c’est l’Arche d’Alliance dont le contenu matérialisait autrefois la promesse faite par Dieu à son peuple. Marie est considérée maintenant comme la nouvelle Arche d’Alliance, car par elle est venu Celui qui a accompli la promesse de sauver l’humanité.
De chaque côté des deux portes, nous voyons neuf statues en pied refaites au XIXe siècle par l’Atelier de Viollet-le-Duc & Lassus après les destructions révolutionnaires de 1793. On reconnaît successivement : à gauche, l’empereur Constantin, un ange, Saint Denis portant sa tête et encore un ange et au trumeau, la Vierge à l’Enfant, à droite, Saint Jean-Baptiste, Saint-Etienne, Sainte Geneviève et le Pape Saint Sylvestre
Saint Denis et Sainte Geneviève sont avec Saint Marcel les saints patrons de Paris.
Les piédroits des deux portes sont consacrés à la vie des hommes, qui suit un cycle immuable. On peut distinguer à gauche et à droite, d’une part les signes du Zodiaque représentant les douze mois de l’année, d’autre part les travaux des mois. Sur le trumeau central figurent à gauche les saisons, à droite les âges de la vie. Ces thématique sont reprises sur les vitraux de la Rose Ouest.
La Dormition de la Vierge
Illustration de Julien Champagne
Dormition : à ne pas confondre avec une scène mortuaire, ici il ne s’agit pas de sa mise au tombeau mais de la préparation de sa montée au ciel dans son corps physique. La Vierge est allongée sur un lit, non pas morte mais endormie d’un sommeil extrêmement profond. Des coussins lui soutiennent la tête. Les doigts de ses mains se croisent comme en un geste de repos, d’attente, alors que les morts ont leurs bras allongés le long du corps. Les disciples pleurent. La Vierge figure dans toute sa jeunesse, sereine. Le tympan de la Vierge de Notre-Dame de Paris montre simultanément deux épisodes. Tout d’abord la Vierge décède et ses disciples portent son corps dans un sarcophage. Puis son Fils intervient et deux anges reprennent le corps pour l’emporter au ciel. Le vitrail de Bourges dissocie cette montée au ciel. L’âme s’élève d’abord, puis le corps monte en gloire dans une mandorle. Ici à Paris l’âme n’est point figurée séparée, signifiant la montée au ciel de la Vierge corps et âme unis.
Julien Champagne, dans la réalisation de ce dessin, utilise son talent pour orienter l’oeil de l’observateur vers le sarcophage qui apparaît comme l’élément le plus important. On a pu dire de ce dessin « De l’avis d’un expert, ce dessin inachevé montre que le souci principal de l’artiste est d’orienter l’observateur sur cette frise (finition des détails). Visiblement uniquement pour manipuler cet observateur.«
Ce dessin ayant été réalisé bien avant la rédaction du Mystère des cathédrales pose la question suivante : est-ce Fulcanelli qui illustre d’un texte seize ans plus tard la réflexion graphique pertinente de Julien Champagne, ou est-ce Julien Champagne qui par prémonition seize années auparavant réalise un dessin qui s’adapte comme par miracle au texte de Fulcanelli ?
« Au centre du tympan, sur la corniche médiane, regardez le sarcophage, acessoire d’un épisode de la vie du Christ; vous y verrez sept cercles: ce sont les symboles des sept métaux planétaires…
Le cercle central est décoré d’une façon particulière, tandis que les six autres se répètent deux à deux, – ce qui n’a jamais lieu dans les motifs purement décoratifs de l’art ogival. Bien plus, cette symétrie s’étend du centre vers les extrémités…
La concordance de mutation des planètes métalliques entre elles est indiquée, sur le porche de Notre-Dame, de la manière la plus formelle. Le motif central symbolise le soleil; les rosaces des extrémités indiquent Saturne et la Lune; puis viennent respectivement Jupiter et Mercure; enfin, de chaque côté du Soleil, Mars et Vénus.
Mais il y a mieux. Si nous analysons cette ligne bizarre qui semble relier les circonférences des roses, nous la verrons formée de quatre croix et de trois crosses, dont l’une à spire simple et les deux autres à double volute.
Remarquez, en passant, que s’il s’agissait encore ici d’une volonté ornementale, il faudrait nécessairement six ou huit attributs, toujours afin de conserver une parfaite symétrie; il n’en est rien, et ce qui achève de prouver que le sens symbolique est voulu, c’est qu’un espace, celui de gauche, demeure libre.
Les quatre croix, de même qu’en la notation spagyrique, représentent les métaux imparfaits; les crosses à double spirale, les deux parfaits, et la crosse simple, le mercure, demi-métal ou semi-parfait. » Fulcanelli