Coeur mystique et Pierre alchimique


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A l’occasion de fouilles sur les soubassements du quartier de la Bourse une pierre d’un grand intérêt fut mis à jour. Elle fut trouvée dans la tour nord et sa datation (1716) écarte en principe toute référence à la Franc-maçonnerie inexistante à Marseille à cette époque.

L’inscription du phylactère, « C. IDERFIEM. SIVOL A. » se lit à rebours : « à Louis Meifredi C. ». Les archives généalo­giques marseillaises connaissent effectivement un Louis Meyfredy, époux d’Elisabeth Tricon, de qui naîtra Jean-Baptiste, qui épouse à Saint-Martin. le 8 octobre 1715, Marguerite Hyvert. Par ailleurs, les archives nous informent que le 17 décembre 1721, l’intendance sanitaire achète à Louis Meyfredi une portion de terrain dans le quartier Saint-Martin d’Arenc pour y établir les infirmeries (Méry-Guindon, t. 6, p. CXIX) 8.

On note évidemment la présence  dans le cœur des hiéroglyphes astrologico-alchi­miques des planètes/métaux et de symboles purement alchimiques ce qui amène immédiatement à envisager cette inscription sous l’angle de l’hermétisme chrétien et de l’alchimie.

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Louis Charbon­neau-Lassay a notamment consacré une étude à un petit bas-relief de marbre noir, datant selon lui d’entre 1550 et 1575, provenant d’un monastère chartreux autrefois situé à Saint-Denis d’Orques (Sarthe) et ce bas relief n’est pas sans rappeler les références astrologiques de la pierre alchimique de Marseille. Ici dans la reproduction Le cœur central, percé d’une plaie et rayonnant, est sans conteste celui du Christ et correspond aux dévotions du cœur dit rayonnant, culte qui fut particulièrement célébré à Paray le Monial..  Deux cercles l’entourent, l’un avec les sept signes planétaires plus la croix, l’autre avec les douze signes zodiacaux. Dans son analyse, concernant le caractère orthodoxe du point de vue catholique de ce voisinage, Charbonneau-Lassay cite deux gravures du tout début du XVIIIe siècle (l’une est précisément datée de 1708) qui, conformément à la tradition chrétienne relative au Zodiaque (le « porte-vie »), envisagent le Sacré-cœur comme formant par excel­lence le centre de l’univers. Le culte du Sacré-cœur ayant connu une impulsion décisive à la fin du XVIIe siècle, puis en 1720-1721 avec la peste de Marseille, il n’est donc pas impossible d’en trouver un témoignage ici où la population fut durement éprouvée.

L’interprétation alchimique

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A la différence du marbre de St-Denis d’Ourques, les hiéroglyphes astrolo­giques sont ici  à l’intérieur du cœur, la croix qui le surmonte manifeste à l’évidence la foi chrétienne qui préside à son érection. Au centre de la com­position, on reconnait le triangle inversé surmontant une croix, le symbole alchimique classique du soufre, allié obligé du mercure dont le hiéroglyphe, commun à l’astrologie et à l’alchimie, se trouve justement immédiatement à  droite. Le même que l’on retrouve sur une autre pierre de fondation à Bollingen, célèbre demeure du psychiatre suisse Carl Gustav Jung. De fait, le symbole à gauche représente un carré dont le centre est pointé, soit le sel, troisième terme de la trinité alchimique fondamentale.

Les trois symboles sont regroupés dans une bande horizontale à l’image de la fasce en héraldique  et la composition d’ensemble est à mettre en rapport avec de nombreuses figurations classiques de l’athanor ou de l’œuf philosophai. c’est-à-dire du fourneau ou encore du vase des alchimistes. Les trois étoiles qui occupent la partie supérieure du cercle rappellent  les influences célestes (astrolo­giques), tandis que le soleil et la lune désignent ici l’or et l’argent.

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« Représentée en plein vol, une colombe tient en son bec un rameau d’olivier. Ce sujet est distingué par l’inscription: .SI.TE.FATA.VOCANT. Si les destins t’y appellent. » Fulcanelli rapproche cet emblème de la description du Déluge universel dans la Bible, au livre de la Genèse. Noé, ayant donné l’essor à la colombe de son arche, celle-ci revint le soir en rapportant une branche verte d’olivier. « C’est là le signe par excellence de la véritable voie et de la marche régulière des opérations. Car le travail de l’OEuvre étant un abrégé et une réduction de la Création, toutes les circonstances de l’ ouvrage divin doivent se trouver en petit dans celui de l’alchimiste. » Et de conseiller au débutant d’attendre prudemment la manifestation de la couleur verte, symptôme du dessèchement de la terre, de l’absorption des eaux et de la végétation du nouveau corps formé.

Plus bas, la colombe (alba) portant en son bec un rameau végétal, désigne selon l’emblématique alchimique le  « volatile » – l’opération alchimique  de la « voie humide » destinée à produire, comme le règne végétal (le rameau), une fructifi­cation : solve et coagula, la dissolution et la coagulation, lesquelles, partant de la noirceur de la putréfaction (le corbeau, l’œuvre au noir) doivent par multiples réitérations,  – sublimations – avant de parvenir à la l’œuvre au rouge (rubification le phénix), la pierre philosophale dont le sacrifice par la projection dans le plomb produit l’or des Sages. Blanchis Latone, il faudra transiter par les  purifications (la colombe blanche ou le cygne, signe avant-coureur de la verdeur puis de la réussite espérée).

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En construisant sa tour à Bollingen , le psychiatre suisse C.G Jung a semble t-il adopté la même démarche et il est probable que la pierre étudiée ici est, elle-aussi, une pierre de fondation. En plaçant sa demeure sous la protection du Sacré-Coeur, Louis Mefredi avait présent à l’esprit le sens alchimique et assimilait certainement cette pierre au symbole de la pierre philosophale, selon le sens résumé résume dans  le célèbre acrostiche VITRIOL  : Visita Interiora Terra, Rectificando, Invenies Occultum Lapidem, c’est-à-dire « Visite l’intérieur de la terre, rectifie et tu trouveras la pierre cachée » – pierre cachée qui est ici représentée sous la forme d’une pierre cubique.

jacob de Kilwinning ou Johan Dreue
votre serviteur (FCH)

René Guénon :

En parlant, à propos de « la lumière et la pluie », des représentations du soleil avec des rayons alternativement rectilignes et ondulés, nous avons signalé que ces deux sortes de rayons se retrouvent aussi, d’une façon toute semblable, dans certaines figurations symboliques du cœur ; un des exemples les plus intéressants qu’on puisse en donner est celui du cœur figuré sur un petit bas-relief de marbre noir, datant apparemment du XVIe siècle et provenant de la Chartreuse de Saint-Denis d’Orques, qui a été étudié autrefois par L. Charbonneau-Lassay (1). Ce cœur rayonnant est placé au centre de deux cercles sur lesquels se trouvent respectivement les planètes et les signes du Zodiaque, ce qui le caractérise expressément comme le « Centre du Monde », sous le double rapport du symbolisme spatial et du symbolisme temporel (2) ; cette figuration est évidemment « solaire », mais, d’ailleurs, le fait que le soleil, entendu au sens « physique », se trouve lui-même placé sur le cercle planétaire, ainsi qu’il doit l’être normalement dans le symbolisme astrologique, montre bien qu’il s’agit proprement ici du « Soleil spirituel ».

Il est à peine besoin de rappeler que l’assimilation du soleil et du cœur, en tant que l’un et l’autre ont également une signification « centrale », est commune à toutes les doctrines traditionnelles, en Occident aussi bien qu’en Orient ; c’est ainsi, par exemple, que Proclus dit en s’adressant au soleil : « Occupant au-dessus de l’éther le trône du milieu, et ayant pour figure un cercle éblouissant qui est le Cœur du Monde, tu remplis tout d’une providence à même de réveiller l’intelligence » (3). Nous citons plus particulièrement ce texte ici, de préférence à bien d’autres, en raison de la mention formelle qui y est faite de l’intelligence ; et, comme nous avons eu souvent l’occasion de l’expliquer, le cœur est considéré aussi avant tout, dans toutes les traditions, comme le siège de l’intelligence (4). D’ailleurs, selon Macrobe, « le nom d’Intelligence du Monde que l’on donne au Soleil répond à celui de Cœur du Ciel (5) ; source de la lumière éthérée, le Soleil est pour ce fluide ce que le cœur est pour l’être animé (6) » ; et Plutarque écrit que le Soleil, « ayant la force d’un cœur, disperse et répand de lui-même la chaleur et la lumière, comme si c’était le sang et le souffle (7) ». Nous retrouvons dans ce dernier passage, tant pour le cœur que pour le soleil, l’indication de la chaleur et de la lumière, correspondant aux deux sortes de rayons que nous avons envisagés ; si le « souffle » y est rapporté à la lumière, c’est qu’il est proprement le symbole de l’esprit, qui est essentiellement la même chose que l’intelligence ; quant au sang, il est évidemment le véhicule de la « chaleur animatrice », ce qui se réfère plus spécialement au rôle « vital » du principe centre de l’être (8).

Dans certains cas, en ce qui concerne le cœur, la figuration ne comporte qu’un seul des deux aspects de lumière et de chaleur : la lumière est naturellement représentée par un rayonnement du type ordinaire, c’est-à-dire formé uniquement de rayons rectilignes ; quant à la chaleur, elle est représentée le plus habituellement par des flammes sortant du cœur. On peut d’ailleurs remarquer que le rayonnement, même quand les deux aspects y sont réunis, paraît suggérer, d’une façon générale, une prépondérance reconnue à l’aspect lumineux ; cette interprétation est confirmée par le fait que les représentations du cœur rayonnant, avec ou sans la distinction de deux sortes de rayons, sont les plus anciennes, datant pour la plupart d’époques où l’intelligence était encore rapportée traditionnellement au cœur, tandis que celles du cœur enflammé se sont répandues surtout avec les idées modernes réduisant le cœur à ne plus correspondre qu’au sentiment (9). On ne sait que trop, en effet, qu’on en est arrivé à ne plus donner au cœur d’autre signification que celle-là, et à oublier entièrement sa relation avec l’intelligence ; l’origine de cette déviation est d’ailleurs sans doute imputable pour une grande part au rationalisme, en tant que celui-ci prétend identifier purement et simplement l’intelligence à la raison, car ce n’est point avec cette dernière que le cœur est en rapport, mais bien avec l’intellect transcendant, qui précisément est ignoré et même nié par le rationalisme. Il est vrai, d’autre part, que, dès lors que le cœur est considéré comme le centre de l’être, toutes les modalités de celui-ci peuvent en un certain sens lui être rapportées au moins indirectement, y compris le sentiment, ou ce que les psychologues appellent l’« affectivité » ; mais il n’y en a pas moins lieu d’observer en cela les relations hiérarchiques, et de maintenir que l’intellect seul est véritablement « central », tandis que toutes les autres modalités n’ont qu’un caractère plus ou moins « périphérique ». Seulement, l’intuition intellectuelle qui réside dans le cœur étant méconnue (10), et la raison qui réside dans le cerveau ayant usurpé son rôle « illuminateur (11) », il ne restait plus au cœur que la seule possibilité d’être regardé comme le siège de l’affectivité (12) ; d’ailleurs, le monde moderne devait aussi voir naître, comme une sorte de contrepartie du rationalisme, ce qu’on peut appeler le sentimentalisme, c’est-à-dire la tendance à voir dans le sentiment ce qu’il y a de plus profond et de plus élevé dans l’être, à affirmer sa suprématie sur l’intelligence ; et il est bien évident qu’une telle chose, comme tout ce qui n’est en réalité qu’exaltation de l’« infra-rationnel » sous une forme ou sous une autre, n’a pu se produire que parce que l’intelligence avait été tout d’abord réduite à la seule raison.

(1) Le Marbre astronomique de Saint-Denis d’Orques, dans Regnabit, février 1924.

(2) Il y a aussi, dans cette même figuration, d’autres détails qui ont un grand intérêt au point de vue symbolique ; ainsi, notamment, le cœur porte une blessure ou du moins ce qui présente l’apparence extérieure d’une blessure, ayant la forme d’un iod hébraïque, ce qui se réfère à la fois à l’« Œil du cœur » et au « germe » avatârique résidant au « centre », que celui-ci soit d’ailleurs entendu au sens macrocosmique (ce qui est manifestement le cas ici) ou au sens microcosmique (cf. Aperçus sur l’initiation, ch. XLVIII).

(3) Hymne au Soleil, traduction Mario Meunier.

(4) Il est bien entendu (et nous y reviendrons d’ailleurs plus loin) qu’il s’agit ici de l’intelligence pure, au sens universel, et non de la raison, qui n’en est qu’un simple reflet dans l’ordre individuel, et qui est rapportée au cerveau, celui-ci étant alors par rapport au cœur, dans l’être humain, l’analogue de ce que la lune est par rapport au soleil dans le monde.

(5) Cette expression de « Cœur du Ciel », appliquée au soleil, se retrouve aussi dans les anciennes traditions de l’Amérique centrale.

(6) Songe de Scipion, I, 20.

(7) De la face que l’on voit dans le cercle de la lune, 15, 4. – Ce texte et le précédent sont cités en note par le traducteur à propos du passage de Proclus que nous venons de reproduire.

(8) Aristote assimile la vie organique à la chaleur, en quoi il est d’accord avec toutes les doctrines orientales ; Descartes lui-même place dans le cœur un « feu sans lumière », mais qui n’est pour lui que le principe d’une théorie physiologique exclusivement « mécaniste » comme toute sa physique, ce qui, bien entendu, n’a rien de commun avec le point de vue traditionnel des anciens.

(9) Il est remarquable, à cet égard, que, dans le symbolisme chrétien en particulier, les plus anciennes figurations connues du Sacré-Cœur appartiennent toutes au type du cœur rayonnant, tandis que, dans celles qui ne remontent pas au-delà du XVIIe siècle, c’est le cœur enflammé qu’on rencontre d’une façon constante et à peu près exclusive ; il y a là un exemple assez significatif de l’influence exercée par les conceptions modernes jusque dans le domaine religieux.

(10) C’est cette intuition intellectuelle qui est symbolisée proprement par l’« œil du cœur ».

(11) Cf. ce que nous avons dit ailleurs sur le sens rationaliste donné aux « lumières » au XVIIIe siècle, notamment en Allemagne, et sur la signification connexe de la dénomination des Illuminés de Bavière (Aperçus sur l’initiation, ch. XII).

(12) C’est ainsi que Pascal, contemporain des débuts du rationalisme proprement dit, entend déjà le « cœur » au sens exclusif de « sentiment ».

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Maintenant, si l’on veut, en dehors de la déviation moderne dont nous venons de parler, établir, dans les limites légitimes, un certain rapport du cœur avec l’affectivité, on devra regarder ce rapport comme résultant directement de la considération du cœur comme « centre vital » et siège de la « chaleur animatrice », vie et affectivité étant deux choses très proches l’une de l’autre, sinon même tout à fait connexes, tandis que le rapport avec l’intelligence est évidemment d’un tout autre ordre. Du reste, cette étroite relation de la vie et de l’affectivité est nettement exprimée par le symbolisme lui-même, puisque l’une et l’autre y sont également représentées sous l’aspect de la chaleur (13) ; et c’est en vertu de cette même assimilation, mais faite alors d’une façon assez peu consciente, que, dans le langage ordinaire, on parle couramment de la chaleur du sentiment ou de l’affection (14). Il faut aussi remarquer à ce propos que, quand le feu se polarise en ces deux aspects complémentaires qui sont la lumière et la chaleur, ceux-ci sont pour ainsi dire, dans leur manifestation, en raison inverse l’un de l’autre ; et l’on sait que, même au simple point de vue de la physique, une flamme est en effet d’autant plus chaude qu’elle est moins éclairante. De même, le sentiment n’est véritablement qu’une chaleur sans lumière (15), et l’on peut aussi trouver dans l’homme une lumière sans chaleur, celle de la raison, qui n’est qu’une lumière réfléchie, froide comme la lumière lunaire qui la symbolise. Dans l’ordre des principes, au contraire, les deux aspects, comme tous les complémentaires, se rejoignent et s’unissent indissolublement, puisqu’ils sont constitutifs d’une même nature essentielle ; il en est donc ainsi en ce qui concerne l’intelligence pure, qui appartient proprement à cet ordre principiel, et ceci confirme encore que, comme nous l’indiquions précédemment, le rayonnement symbolique sous sa double forme peut lui être rapporté intégralement. Le feu qui réside au centre de l’être est bien à la fois lumière et chaleur ; mais, si l’on veut traduire ces deux termes respectivement par intelligence et amour, bien qu’ils ne soient au fond que deux aspects inséparables d’une seule et même chose, il faudra, pour que cette traduction soit acceptable et légitime, ajouter que l’amour dont il s’agit alors diffère tout autant du sentiment auquel on donne le même nom que l’intelligence pure diffère de la raison.

On peut facilement comprendre, en effet, que certains termes empruntés à l’affectivité soient, aussi bien que d’autres, susceptibles d’être transposés analogiquement dans un ordre supérieur, car toutes choses ont effectivement, outre leur sens immédiat et littéral, une valeur de symboles par rapport à des réalités plus profondes ; et il en est manifestement ainsi, en particulier, toutes les fois que, dans les doctrines traditionnelles, il est question de l’amour. Chez les mystiques eux-mêmes, malgré certaines confusions inévitables, le langage affectif apparaît surtout comme un mode d’expression symbolique, car, quelle que soit chez eux la part incontestable du sentiment au sens ordinaire de ce mot, il est pourtant inadmissible, quoi qu’en puissent prétendre les psychologues modernes, qu’il n’y ait là rien d’autre que des émotions et des affections purement humaines rapportées telles quelles à un objet supra-humain. Cependant la transposition devient encore beaucoup plus évidente lorsqu’on constate que les applications traditionnelles de l’idée de l’amour ne sont pas bornées au domaine exotérique et surtout religieux, mais qu’elles s’étendent également au domaine ésotérique et initiatique ; il en est ainsi notamment dans de nombreuses branches ou écoles de l’ésotérisme islamique, et il en est de même dans certaines doctrines du moyen âge occidental, notamment les traditions propres aux Ordres de chevalerie (16), et aussi la doctrine initiatique, d’ailleurs connexe, qui a trouvé son expression chez Dante et les « Fidèles d’Amour ». Nous ajouterons que la distinction de l’intelligence et de l’amour, ainsi entendue, a sa correspondance dans la tradition hindoue avec la distinction de Jnâna-mârga et Bhakti-mârga ; l’allusion que nous venons de faire aux Ordres de chevalerie indique d’ailleurs que la voie de l’amour est plus particulièrement appropriée aux Kshatriyas, tandis que la voie de l’intelligence ou de la connaissance est naturellement celle qui convient surtout aux Brahmanes ; mais, en définitive, il ne s’agit là que d’une différence qui porte seulement sur la façon d’envisager le Principe, en conformité avec la différence même des natures individuelles, et qui ne saurait aucunement affecter l’indivisible unité du Principe lui-même.

(13) Il s’agit naturellement ici de la vie organique, dans son acception la plus littérale, et non du sens supérieur dans lequel la « vie » est au contraire mise en rapport avec la lumière, ainsi qu’on le voit notamment au début de l’Évangile de saint Jean (cf. Aperçus sur l’initiation, ch. XLVII).

(14) Chez les modernes, le cœur enflammé est d’ailleurs pris assez ordinairement pour représenter l’amour, non pas seulement en un sens religieux, mais aussi au sens purement humain ; cette représentation était tout à fait courante, surtout au XVIIIe siècle.

(15) C’est pourquoi les anciens représentaient l’amour comme aveugle.

(16) On sait que la base principale de ces traditions était l’Évangile de saint Jean : « Dieu est Amour », dit saint Jean, ce qui ne peut assurément se comprendre que par la transposition dont nous parlons ici, et le cri de guerre des Templiers était : « Vive Dieu Saint Amour. »

René Guénon, Le cœur rayonnant et le cœur enflammé, Regnabit – avril 1926, repris dans Études Traditionnelles, juin-juillet 1946.

Johan Dreue Fulcanelli CanselietVoir les livres en cliquant sur l’image


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